« Je ne crois pas à la réalité du pouvoir. Ce que je crois, c’est respecter la promesse que j’ai faite au peuple. C’est ma conviction ». Ainsi répondait Ousmane Sonko à une question lors de la présentation de son livre « Solutions », sur une éventuelle évolution de ses positions une fois au pouvoir. Sonko ajoute que si nous commençons à chercher à nos hommes politiques des prétextes, […] tout ce que le dirigeant fera, on convoquera la réalité du pouvoir.
C’est quoi le « pouvoir ? ». L’argent en est un, le savoir, la sagesse et la direction politique, entre autres, le sont tout aussi. Je déduis, me basant sur ses propos, qu’il parle de « pouvoir politique » ou « autorité politique » bien qu’il n’ait pas eu le courage d’ajouter le mot « politique ». Peut-être pour ne pas être versé dans la corbeille du « système » qu’il dit vouloir combattre. On verra.
Pour Sonko, « la réalité du pouvoir, c’est de faire ce que les sénégalais veulent ou aiment ». Dois-je en déduire que Sonko va laisser demeurer l’occupation anarchique de la rue publique, l’insalubrité, l’hypocrisie et d’autres tares à la sénégalaise sans entreprendre des mesures pour y mettre fin ? Parce ce que ça aussi, nous sénégalais, nous l’aimons. La preuve, nous le faisons au quotidien. Sinon, va-t-il tout détruire en un jour sans consulter les auteurs ?
Plus loin, Ousmane Sonko revient sur son propos en nous disant que « quand on (le dirigeant) se rend compte qu’on fait face à un obstacle, avec des raisons objectives, on peut revenir vers le peuple et lui adresser ses limites malgré la promesse faite ». Quelle contradiction ! Surtout quand il reconnait qu’on « ne gouverne pas sans son peuple » parce que « les réformes promises ne peuvent se réaliser que quand on a son peuple avec soi ».
Dis donc ! Sonko ne reconnait pas la « réalité » du « pouvoir » mais admet que le peuple a son désir à satisfaire et lui, va décider sans le consulter. En même temps, il va tenir compte de l’existence de ce même peuple. Bravo pour la fausse-rhétorique. Faisant référence à la promesse du candidat Macky Sall en 2012, de ramener son mandat à cinq ans, Sonko assène que « c’est la preuve de l’indignité (de son auteur) et rien d’autre que ça ».
Objection ! Macky Sall avait promis, certes, de ramener son mandat à cinq ans. Il l’a réitéré étant Président de la République. Quand il s’est agi de tenir cette promesse, il a consulté l’instance suprême qui le contrôle : le Conseil Constitutionnel qui trancha. Macky s’est conformé à la décision ou avis, c’est selon. Où est « l’indignité » à se conformer à l’avis ou décision des sages défenseurs de la Loi Fondamentale de notre pays, la Constitution ?
Ousmane Sonko, s’il est confronté à une difficulté, peut revenir vers le peuple ou ses représentants aux instances de décision mais que Macky Sall ne peut pas le faire. Le Président actuel doit agir les yeux fermés et oreilles bouchées : décider ou exécuter sans se soucier de « respecter et faire respecter la Constitution » sur laquelle il a prêté serment. Quel dénie de l’autre ! Sur quel document, s’il venait à être élu, Ousmane Sonko, va-t-il prêter serment et jurer ?
Sonko rejette les lobbies et mallettes d’argent qui feraient plier certains dirigeants. Les lobbies ont toujours existé, partout et utilisent la religion notamment celle que partage la majorité de l’électorat sénégalais : l’Islam. Des lobbies défendent la mendicité des enfants pourtant formellement prohibée par l’Islam. Des lobbies défendent la mendicité des Baay Faal, d’autres défendent le port des « bâches » couvrant tout le corps de la femme, etc….
Voyons ! Ousmane Sonko est allé à Touba, à quelques jours du dernier Magal, pour rendre visite au Khalife. Qui peut nier l’existence du lobby Mouride ? Mais pour lui, « ce n’était pas une audience politique », car « nous devons protéger nos leaders religieux en évitant de les impliquer dans les querelles politiciennes ». Le polémiste Sonko reconnaît implicitement les « querelles » qu’il veut imposer aux sénégalais.
Ousmane Sonko s’est tout récemment affiché avec Seydi Djiamil Sy. C’est suffisant comme forme de reconnaissance de l’existence des lobbies. Pourquoi aller vers ces gens si ce n’est pour justifier qu’il n’est pas ce que certains lui ont collé, à tort ou à raison, sur l’épiderme ? : Un salafiste ou wahhabite. Mieux, si ce n’est pour bénéficier de l’estime des disciples de ces personnages qui ont un « pouvoir » « réel » sur leurs talibés.
En réalité Ousmane Sonko veut décider sans le peuple mais le peuple devra être avec lui pour qu’il puisse exécuter ses promesses. Contradiction, quand tu nous tiens ! Ça s’appelle dictature. Cette méthode a été testée ailleurs et elle a échoué dans ce pays arabo-musulman. Je veux nommer l’Egypte, avec les Frères Musulmans qui ont pris le « pouvoir » après le départ forcé de l’ancien président Hosni Moubarak.
Du pouvoir de la réalité à la réalité du pouvoir, la passerelle est mobile, tranchante, trébuchante…pour ne pas se préparer à faire évoluer sa posture, ses positions, ses idées pour se conformer au contexte, certes maitrisable et modifiable à la limite du possible, selon les circonstances et la REALITE du POUVOIR qu’il cherche et refuse de reconnaitre en même temps.
Les sénégalais rejettent l’irresponsabilité ou le radicalisme ou extrémisme décisionnel dans un contexte de gouvernance participative. Le populisme ne prospèrera pas au Sénégal. Sonko veut gouverner sans prévoir la place des citoyens dans l’organisation et la direction des affaires publiques. Ce sera une fin d’un système (démocratique) et l’entrée en vigueur du nouveau Sonko-système (autocratique).
Mamadou Lamine BA, Responsable de l’APR dans la Commune de Baghère
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