Donald Trump a-t-il un problème avec le sexe ?

Dimanche 9 Octobre 2016

Le candidat républicain, qui n'a pas hésité à rassurer ses électeurs sur la taille de son pénis, multiplie les attaques en dessous de la ceinture... Un jeu dangereux.

Mais quelle mouche l'a piqué ? En quelques semaines, Donald Trump a enchaîné les saillies en dessous de la ceinture (contre Bill Clinton, une ex-miss Univers...). Le candidat n'hésite pas à rappeler à quel point sa femme est sexy  ou à affirmer que sa fille, alors âgée de 16 ans était "canon", et que s'il n'était pas son père, il essaierait sûrement d'obtenir un rancard avec elle. Un vrai gentleman, ce Donald !

Dernier épisode en date vendredi soir, après la divulgation de propos particulièrement obscènes  tenus en 2005 à l'encontre des femmes ("J'ai tenté de la baiser, elle était mariée [...] Je suis attiré par les beautés comme un aimant [...] Je les embrasse direct... Quand on est célèbre, elles nous laissent faire tout ce qu'on veut ; les attraper par la chatte... on fait tout ce qu'on veut"), qui l'ont conduit à lâcher de rarissimes excuses dans une vidéo de contrition. Un désastre, à deux jours du deuxième débat contre Hillary Clinton.

"Zéro chance que j'abandonne", déclare-t-il ce samedi. Pourtant le malaise gagne au sein du camp républicain. Car quand il s'agit de sexe, Donald Trump semble sans limite. Le candidat à la Maison Blanche n'hésite pas à utiliser le champ lexical du viol pour parler de… politique internationale. Le partenariat transpacifique, signé en février par l'administration Obama ? "C'est un viol de notre pays. C'est un mot dur, mais c'est bien cela : un viol de notre pays." La politique commerciale de Pékin : "On ne peut pas laisser la Chine  violer notre pays, et c'est ce qu'elle fait !" Les émigrés mexicains ? Des "violeurs"  !

La question est donc légitime : Donald Trump a-t-il un (sérieux) problème avec le sexe ?

Donald Trump l'a montré à de multiples reprises : dès qu'il est acculé, dès qu'il n'a plus d'arguments ou dès qu'il est déçu par sa prestation, il attaque en dessous de la ceinture. Ses cibles ?

Une journaliste 
A propos d'une journaliste de Fox News trop tenace à son goût lors du premier débat télévisé entre les candidats à la primaire républicaine, en août 2015, il insinue que c'est parce qu'elle avait ses règles :

"On pouvait voir du sang sortir de ses yeux, du sang sortir de son… où que ce soit", avait-il lâché sur CNN à propos de Megyn Kelly  qui l'avait justement interrogé sur des insultes sexistes proférées par le passé.

Pour se défendre, Donald Trump avait dû préciser qu'il pensait à… son nez, bien sûr !

Ce qui ne l'a pas empêché, un an plus tard, d'attaquer la même journaliste parce qu'elle posait en nuisette dans GQ.

Hillary Clinton
Dans le monde selon Trump, la femme libre (une journaliste qui lui tient tête, une femme qui avorte ou encore une femme de pouvoir comme Hillary Clinton) trahit son groupe social, "dont la condition est de rester celle de dominées", analyse "La Tribune de Genève". Des "impures" qu'il traite sans scrupule de "chiennes" ou de "cochonnes".

Ainsi, lorsque Hillary Clinton s'absente aux toilettes pour quelques minutes lors d'un débat télévisé entre démocrates, Donald Trump lance à son entourage :

"Je sais où elle est allée, c'est dégoûtant…"

"En matière de pureté, Trump exprime souvent son dégoût pour les femmes et le corps des femmes", analyse le professeur de psychologie à la University of Southern California, Jesse Graham, cité par le journal suisse.

Une ex-Miss Univers
Au lendemain du premier débat présidentiel, c'est finalement une autre polémique qui éclate  : celle entre le candidat républicain et une ex-Miss Univers (un concours dont il a longtemps été l'organisateur), citée lors du débat par Hillary Clinton, pour appuyer une attaque sur la misogynie du républicain.

Trump se déchaîne dans une série de tweets postés entre entre 3h20 et 5h30 du matin  et se permet même d'évoquerune "sex-tape" de la jeune femme.

Bill Clinton
Beaucoup plus récemment, c'est au travers de Bill Clintonque le candidat républicain a tenté de déstabiliser sa rivale. D'abord en l'accusant de viol, en référence à des affaires datant des années 1990  (alors que Donald Trump lui-même est accusé d'agression sexuelle).

Puis en menaçant, à la veille du si crucial premier débat entre les deux candidats à la Maison Blanche, d'inviter une ancienne maîtresse de Bill Clinton, Gennifer Flowers, au débat. "Que Donald Trump passe des heures avant ce débat sur ce genre de choses montre quel genre de leader il serait : un président d'école maternelle", avait répliqué Robby Mook, le responsable de la campagne de Hillary Clinton,cité par Franceinfo.

"Comme il n'a pas de connaissances en économie ou de culture internationale, il use des techniques de personnage de télé, de show man", analyse le sexologue et psychologue des personnalités politiques Pascal de Sutter, joint par "l'Obs" :

"Il met les rieurs de son côté ou tente de choquer pour noyer le poisson. Ce n'est pas forcément une stratégie de com', c'est plus son côté spontané, provocateur…"

"Mais il joue aussi sans doute sur le contraste avec Hillary Clinton, qui est considérée comme une incarnation du système par une partie des Américains. Comme François Hollande a joué le contraste avec Nicolas Sarkozy avec le 'président normal'."

Le sexe, objet de glorification personnelle

Les femmes sont une cible, et pourtant Donald Trump met en scène sa propre intimité. En témoigne sa sortie, lunaire, en plein débat face à ses concurrents républicains, sur la taille de ses mains et… de son pénis. Ou le fait que le candidat à la Maison Blanche apparaîtrait lui-même dans un film érotique, diffusé dans les années 2000 par Playboy.

 
Inconciliable ? Pas du tout, assure à "l'Obs" Pascal de Sutter.

"Il y a une certaine cohérence dans son discours. C'est un discours très 'salaucrate'. Quand c'est une femme, c'est une salope, une traînée, etc. Si c'est un homme, c'est glorieux. Lui, il peut avoir ce genre de frasques, car c'est le mâle dominant, un leader."

Et sa propre épouse peut-elle poser nue  ? Pour Pascal de Sutter, qui a vécu au Canada pendant 12 ans, si les Etats-Unis ont un côté très puritain, le sexe y occupe également une place très importante, notamment à la télévision. A propos des frasques des Trump, il souligne :

"Aux USA, ils ont un côté brut de décoffrage. Mais regardez Nicolas Sarkozy qui exhibe sa nouvelle conquête, une ex-mannequin. C'est un peu une manière aussi de dire qu'il est viril ! Mais c'est peut-être un peu plus subtil en France…"

Seule limite, aux Etats-Unis : l'adultère.

"Un homme peut se marier cinq fois [Donald Trump en est à son troisième mariage, NDLR] mais il doit être exclusif dans son mariage. Les Clinton ont un peu transgressé ce tabou. Surtout que Bill Clinton n'a pas assumé. S'il avait dit 'je suis l'homme le plus puissant du monde, j'attire les femmes, j'ai craqué', ça aurait sans doute fait pschitt, comme les frasques de Jacques Chirac ou de François Mitterrand. La force de Donald Trump c'est d'avoir un côté bourru, brut, et de l'assumer !"

Le sexe, mode de mobilisation inédit

Discours, polémiques, coups bas… le sexe est omniprésent dans la campagne Trump. Pas étonnant alors que ses supporteurs suivent le mouvement !

Certains de ces supporteurs ont par exemple créé une série de t-shirts non-officiels qui appellent à "écraser cette salope"  ("Trump that bitch"), l'insulte étant évidemment une référence à Hillary Clinton, vue par les fans de Donald Trump comme celle qui a été cocufiée par son mari, mais qui est restée malgré tout. Un autre t-shirt  compare les performances sexuelles de la candidate Hillary Clinton  et celles de l'ancienne maîtresse de Bill Clinton, Monica Lewinsky.

D'autres supporteurs du républicain ont lancé au début de l'année le mouvement des "Babes for Trump", photos dénudées et sexy de jeunes filles qui posent tantôt avec des maillots de bain aux couleurs du drapeau américain, tantôt des armes à feu.


La nudité est là un nouveau moyen de mobilisation. Mais les anti-Trump ont répliqué : le photographe américain Spencer Tunick a ainsi rassemblé 100 femmes en juillet, pour lutter contre "une rhétorique de haine contre les femmes et les minorités".

 


 
Des artistes s'emparent du sujet. On pense évidemment auxstatues de Donald Trump nu  (et dont la taille du pénis n'est pas à son avantage) créées et installées illégalement par le collectif anarchiste Indecline. On pense aussi à l'œuvre de la jeune artiste californienne Illma Galore, représentantDonald Trump  avec un micro pénis, qui avait valu à son auteur d'être agressée.


 

Notons également l'initiative décalée d'un couple d'Américains qui appelle à… la grève du sexe contre Donald Trump. Leur slogan : "Vote Trump, fais-toi larguer." "Pas de sexe, pas de rencard, pas de flirt" avec les partisans du candidat républicain.

Un jeu dangereux

La multiplication des allusions sexuelles pourraient finir par lui coûter cher. "C'est un jeu dangereux, notamment en raison du vote des femmes", relève Pascal de Sutter. Et le sexologue de pronostiquer un changement de comportement du candidat :

"Il va devoir se calmer. Il a plu par ses excès, son côté anti-système. Mais il fait face à un autre défi maintenant, notamment dans son rapport au sexe. Il doit réussir à montrer qu'il peut être un bon père de famille, rassurant. [...] Sinon l'abstention des puritains et des femmes pourrait faire basculer le scrutin."

Renaud Février
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