En 4 ans, Abdoulaye Baldé et sa municipalité consomment plus de 367 millions de carburant (Cour des Comptes)

Lundi 13 Mai 2024

Dans ses derniers rapports, la Cour des comptes a décelé des « irrégularités » dans la passation des marchés publics de la commune de Ziguinchor de 2015 à 2018 sous la gestion du maire Abdoulaye Baldé. Ces anomalies sont relatives notamment au « défaut d’inscription des marchés sur le plan de passation des marchés publics et de respect du mode de passation des DRP à compétition ouverte », relève le document.

En effet, la Cour rappelle l’article 6 du décret n° 2014-1212 du 22 septembre 2014 portant Code des marchés publics, à l’exception des marchés passés par entente directe, tous les marchés passés par les autorités contractantes sont inscrits dans les plans de passation des marchés, à peine de nullité.

L’examen des pièces de marchés fournies par la commune a permis de constater que « plusieurs DRP à compétition restreinte ne figurent pas sur le plan de passation des marchés publics. Il s’agit, notamment, de la DRP à compétition restreinte n° 045/2016/CZ/CPM du 13 juin 2016 relative à l’acquisition du matériel de l’éclairage public, pour un montant de 18 697 100 F CFA et la DRP à compétition restreinte n° 001/CZ/CPM du 05 janvier 2018 portant fourniture de denrées alimentaires de 18 850 000 de francs CFA. »

La Cour considère par conséquent que la conclusion de ces marchés pourrait être frappée de « nullité ».

La Cour demande au maire et au coordonnateur de la cellule de passation des « marchés publics, chacun en ce qui le concerne, de veiller à l’inscription de l’ensemble des marchés au plan de passation des marchés publics ». 

A noter, en outre, qu’en référence à l’article 5 de l’arrêté n° 2015-107 du 7 janvier 2015 pris en application de l’article 78 du Code des marchés publics, la procédure de demande de renseignements et de prix (DRP) à compétition ouverte s’applique aux commandes de fournitures dont le montant estimé est inférieur à 50 millions et supérieur ou égal à 15 millions de F Cfa, toutes taxes comprises. L’examen des marchés de la période sous revue produits à la Cour renseigne sur la passation des DRP à compétition restreinte n° 045/2016/CZ/CPM du 13 juin 2016 relative à l’acquisition du matériel de l’éclairage public et n° 0001/CZ/CZ/CPM du 05 janvier 2018 portant fourniture de denrées alimentaires pour, respectivement, 18 697 100 F CFA et 18 850 000 F CFA.

Le montant cumulé de ces deux marchés dépasse « le seuil des marchés pouvant être conclus suivant la procédure de DRP à compétition restreinte. En effet, ces marchés supérieurs à 15 000 000 F CFA devaient être conclus suivant la procédure de DRP à compétition ouverte ».

En réponse, le maire a dit aux magistrats vérificateurs que « le calcul du seuil se limitait à la DRP initiale ».

N’empêche, la Cour a précisé que le seuil concerne toutes « les commandes homogènes de travaux, fournitures et services, toutes taxes comprises, d’une part et un marché de fournitures inférieur à 50 millions et supérieur ou égal à 15 millions doit obligatoirement est être faire l’objet d’une DRP à compétition ouverte, d’autre part ».

En référence à l’article 57- (7-f ; h) de la loi organique sur la Cour des Comptes, « est punissable le fait d’avoir enfreint la réglementation en vigueur concernant les marchés publics[…] » et « le fait d’avoir manqué à l’obligation (…) de publicité annuelle des marchés publics ».

La Cour constate ainsi « qu’en violation de ces dispositions, le maire s’est soustrait au mode de passation applicable aux marchés n° 045/2016/CZ/CPM du 13 juin 2016 relatif à l’acquisition du matériel de l’éclairage public et n° 0001/CZ/CZ/CPM du 05 janvier 2018  portant fourniture de denrées alimentaires et a aussi manqué à l’obligation de planification annuelle et de publicité des mêmes marchés ».


Mais ce n’est pas tout. En effet, la mairie de Ziguinchor semble également très généreuse lorsqu’il s’agit d’acheter du carburant pour les véhicules de la commune. Du moins, c’était le cas entre 2016 et 2017. En effet, selon les rapports de la Cour des Comptes, les services d’Abdoulaye Baldé ont dépensé plus de 200 millions en carburant : 101 304 052 F CFA en 2016 et 100 606 257 F CFA en 2017. Et entre 2015 et 2018, la commune a dépensé 367 401 864 F CFA soit une consommation moyenne annuelle de 91 850 466 F CFA.

Concernant la consommation par service, l’organe de contrôle a révélé que le cabinet du maire, le secrétariat et bureau ont absorbé, à eux seuls, 72% du carburant contre 28% pour les services restants dont, 3% pour l’Education-jeunesse et Sports ainsi que 3% pour la Santé-hygiène-action sociale. Lors des consommations records, d’au moins cent millions réalisées en 2016 et en 2017, ces deux derniers services (Education-jeunesse et sport et Santé-hygiène-action social) n’ont pas reçu de carburant.

Le hic est que, souligne le rapport, «le parc de la commune ne justifie pas l’achat de carburant à hauteur de 367 401 864 FCfa durant la période. En considérant les 20 voitures et motos de la commune comme des véhicules de service, leur consommation de 200 litres mensuellement par unité équivaudrait normalement à 4 000 litres ; soit 48 000 litres par an. Ce volume de carburant coûterait 48 000 000 F CFA, par année, si le litre valait 1 000 F CFA. Ce montant de 48 000 000 F CFA, généré suivant une hypothèse haute sur à la fois le nombre de véhicules et le prix du litre de carburant, est de loin inférieur à la consommation de 2015 (75 500 780 F CFA), 2016 (101 304 052 F CFA), 2017 (100 606 257 F CFA) et 2018 (89 990 775 F CFA). Ainsi, la consommation réelle de la commune a été dépassée d’au moins 175 401 864 F CFA».

Pire, la commune n’a pas tenu une comptabilité du carburant. Celle-ci est gérée, selon le comptable des matières, par le cabinet du maire. Et pourtant, l’instruction susmentionnée requiert, au point 4.3.4, du comptable des matières la tenue d’une « comptabilité du carburant avec mention des quantités reçues et utilisées par véhicule ». 
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