Envoi d'une force multinationale en Haïti, l'ONU valide

Lundi 2 Octobre 2023

Le Conseil de sécurité de l'ONU a donné son feu vert lundi 2 octobre à l'envoi en Haïti d'une force multinationale menée par le Kenya pour aider la police dépassée par les gangs, mission réclamée depuis un an par Port-au-Prince.


Selon la résolution adoptée lundi par 13 voix pour et 2 abstentions (Chine et Russie) après de difficiles négociations, cette « mission multinationale de soutien à la sécurité », non onusienne, est créée pour « une période initiale de douze mois », avec une réévaluation au bout de neuf.

Elle vise à « apporter un soutien opérationnel à la police haïtienne » dans sa lutte contre les gangs et pour la sécurisation des écoles, ports, hôpitaux et aéroport. Avec l'objectif d'améliorer suffisamment la sécurité pour organiser des élections, alors qu'aucun scrutin n'a eu lieu depuis 2016.

En coopération avec les autorités haïtiennes, la mission pourra, « pour empêcher des pertes de vies », employer des « mesures d'urgence » temporaires et proportionnées « sur une base exceptionnelle », notamment via des arrestations, dans le respect du droit international.

Par ailleurs, la résolution généralise l'embargo sur les armes légères et munitions à destination d'Haïti, qui s'appliquait jusqu'alors uniquement aux chefs de gangs visés par le régime de sanctions mis en place en octobre 2022, et qui ne concerne à ce stade qu'un individu.



La résolution ne précise pas la composition de la mission, notant que le calendrier du déploiement et le nombre de personnel seront élaborés par les futurs participants avec le gouvernement haïtien. Le chiffre de 2 000 membres des forces de l'ordre a toutefois été souvent évoqué ces derniers mois.

Plus qu'un simple vote, il s'agit en fait d'une expression de solidarité avec un peuple en détresse. Le vote de ce texte constitue une avancée significative dans la résolution de la crise multidimensionnelle que traverse Haïti. C'est une lueur d'espoir.


Dans un récent rapport, Antonio Guterres soulignait que la crise économique, politique et sécuritaire que traverse Haïti s'est encore aggravée depuis un an, avec des gangs « plus nombreux et mieux armés » que les quelque 14 000 policiers comptabilisés fin juin 2023. Au total, près de 2 800 meurtres ont été dénombrés entre octobre 2022 et juin 2023, dont près de 80 mineurs, selon ce rapport.


Le secrétaire général de l'ONU et le Premier ministre haïtien Ariel Henry réclament depuis un an presque jour pour jour l'envoi d'une mission de soutien à la police. Mais, au sein d'une communauté internationale échaudée par les expériences passées dans le pays et les risques de se retrouver piégé dans un bourbier meurtrier, il a été difficile de trouver un volontaire pour en prendre la tête. Jusqu'à fin juillet dernier où le Kenya a finalement annoncé être prêt à mener cette force non onusienne et à déployer 1 000 hommes dans le pays pauvre des Caraïbes.

« Une fois la décision du Conseil de sécurité prise, le Kenya est prêt », avait déclaré, la semaine dernière, le ministre kényan de la Défense, Aden Duale. Il s’exprimait à l’occasion de la signature d’un accord de défense avec les États-Unis. Ce jour-là, en visite à Nairobi, le secrétaire d’État américain à la Défense, Lloyd Austin a promis quelque 100 millions de dollars de soutien pour l’intervention kényane en Haïti, rappelle notre correspondante à Nairobi, Gaëlle Laleix.

« De l’argent qui n’ira même pas aux policiers, alors qu’ils sont envoyés en Haïti pour nettoyer le sale travail des États-Unis et de la France », écrit dans une tribune, publiée jeudi dans The Star, Ekuru Augot, ancien candidat à la présidentielle de 2017.

Cette diplomatie fait débat dans le pays. Certains, comme Ekuru Augot, estiment que ce déploiement est anticonstitutionnel. D’autres considèrent que le Kenya n’en sortira pas grandi. « Nos policiers ont un sérieux historique de violations des droits de l’homme et de corruption », explique Martin Mavenjina, de la Commission kényane des droits de l’homme. D’après le ministère des Affaires étrangères, les policiers kényans peuvent être déployés en Haïti d’ici janvier au plus tard.
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