Exclusif – Traquenard financier à l’Assemblée, Niasse et le questeur au cœur de l’affaire (Enquête)

Jeudi 16 Juin 2016

Plus que rocambolesque à l’Assemblée nationale. Les soupçons de corruption et de malversation empestent et enveniment sérieusement l’atmosphère à l’Hémicycle. L’institution parlementaire s’est empêtrée dans un schéma qui inhibe toute tentative d’actions de bonne gouvernance. Au cabinet du président Moustapha Niasse, le copinage et le népotisme sont au cœur des circuits d’argent alors qu’à la questure, un montage complexe de sociétés à tiroir serait orchestré. Plus d’une dizaine de députés interrogés, confirment. Chacun y va avec ses exemples ahurissants, parfois hilarants. Ces pratiques et compositions du circuit comptabilité et finances de l’Assemblée nationale expliquent en grande partie la dette fiscale de plus de deux milliards mais encore plus grave une grosse ardoise due à des entreprises privées pour la plupart des PME qui aujourd’hui sont asphyxiées et peuvent disparaître à tout moment.



La dette fiscale de plus de deux milliards de l’Assemblée nationale n’est que l’arbre qui cache la forêt. Cette deuxième institution de l’Etat du Sénégal serait une grosse niche de mauvaise gouvernance. Aucune règle, même les plus élémentaires de gestion et de bonne gouvernance n’est respectée. Pire, un schéma scabreux, népotique y est installé. 
  
A commencer par le cabinet du président. La trésorerie est occupée par un pur affidé de Moustapha Niasse à la retraite depuis plus de dix ans. M. Diaïté serait même plus âgé que le maitre des céans. Selon les témoignages, c’est son ami d’enfance et il a presque été à toutes les expéditions du leader de l’Alliance des Forces de Progrès (AFP) qui a eu à occuper plusieurs hauts postes ministériels dans ce pays. 
  
La commission comptabilité et de contrôle dont ses missions et attributions sont prévues par les articles 30 et 31 du règlement intérieur est présidée par un parent du président de l’Assemblée nationale. D’aucuns disent même que c’est son neveu. Khoureychi Niasse est, par ailleurs, un militant actif de l’AFP. Ce député élu sur la liste de Bennoo Bokk Yaakar occupe ce poste depuis le dernier renouvellement du bureau. Auparavant, il était occupé par une dame Apériste de Yarakh qui ne sait ni lire, ni écrire. Avant Fatou Diouf, c’était Thierno Bocoum qui avait commis le «sacrilège» de vouloir contrôler les comptes de l’Assemblée nationale. La guerre lui a été déclarée et de gros moyens ont été utilisés pour l’en empêcher avant de le déchoir du poste de président de la Commission Comptabilité et de contrôle.   

 

Réparation des phares à 1.300.000
Tous ces mécanismes de contrôle étant combattus et anéantis aussi bien en interne qu’en externe, alors c’est la bamboula avec les marchés et la gestion financière. 
  
En réalité le véritable argentier de l’Assemblée nationale, c’est le questeur. Il passe les commandes, effectue les achats gère les contrats de prestation de services. Le trésorier est juste rattaché au cabinet du président et gère les dépenses courantes inhérentes à celui-ci (cabinet). Et c’est à la questure que tous les yeux et les commentaires les plus acerbes sont braqués. Mais, il faut aussi reconnaître à la lumière des éléments d’enquête que c’est un véritable panier à crabes. 
  
En effet au départ, l’entretien des véhicules des députés, de l’Assemblée nationale était confié à la station Total sise à la Place Sowéto, qui jouxte l’Hémicycle. Curieusement, quelques mois après, on ne sait pas quel truchement, ce marché a migré. Par le seul vouloir du questeur, l’entretien (vidange et autres travaux) est concédé à une toute nouvelle entreprise, Expert Auto. 
  
Les chauffeurs sont les premiers à être interloqués. Mais ce qui intrigue, c’est plus les coûts que la qualité du service servie à Expert Auto. Ce changement de fournisseur a créé beaucoup de bruits à l’Assemblée nationale. Un député qui avait des problèmes de phares a confié à votre journal en ligne, qu’un devis de plus de 1.300.000 francs CFA m’a été fourni. «Quand mon chauffeur me l’a montré, j’était tellement éberlué que j’ai interpellé direct le chef de garage qui s’y est opposé catégoriquement. Finalement j’ai été chez un autre garage où j’ai payé à hauteur de 300.000 pour remplacer mes lumières». 

Projecteur sur des actes troublants
Cette confession du député est corroborée par une autre de ses collègues. Le sieur est membre de la conférence des Présidents donc, haut placé à l’Hémicycle. «Moi je préfère, aller chez le concessionnaire plutôt que d’aller à Expert auto». 
  
Un autre élu a été horrifié par le changement en moins de deux ans d’utilisation des pneus de tous les véhicules des députés. Et cela a été décidé sans même avis ou permission des concernés. «Et périodiquement des pièces sont changées sans que le besoin ne se fasse sentir». 
  
Le chef de garage est désarmé. Actuellement, il ne s’occupe que de son poste et préfère ne plus gloser sur l’histoire des voitures de l’Assemblée nationale or pourtant pour toute affaire concernant celles-ci, son onction devrait être sollicitée au préalable. A des kilomètres, on peut entendre la clameur ou les psalmodies. A l’intérieur comme à l’extérieur de l’institution, les gens ne parlent que de ce «contrat douteux». Les chauffeurs ont fini d’en faire leur sujet de discussion favori. L’élément qui mouille le plus le questeur, c’est sa ressemblance avec l’un des responsables d’Expert auto, l’atelier sis à l’Avenue Bourguiba juste à côté de la SGBS. 
  
PressAfrik.com s’est intéressé à société qui effectivement a été créée le 12 décembre 2012. Dans les papiers de création, c’est Eric Ghislain Clara qui est le Directeur général. Mais le monsieur a quitté l’entreprise depuis presque un an. Nous avons appelé pour d’abord avoir le nom de celui qui l’a remplacé. Mais notre secrétariat a buté devant un refus catégorique. Nous avons, par la suite, cherché à rencontrer le DG néanmoins nous avons été mis en rapport avec Mme Badiane. Eric G. Clara que nous avons aussi tenté de joindre au téléphone est à l’Africaine de l’automobile depuis son départ d’Expert Auto. 
 

Des PME menacées de disparition à cause de l'Assemblée
A côté de ces éléments on ne peut plus troublant, il y a les ardoises dues à de petites entreprises privées. Aujourd’hui, l’Assemblée nationale est en train de tuer dans l’œuf l’entreprenariat. Près d’une dizaine courent derrière des millions. Le restaurateur de l’Hémicycle est lui à l’agonie. Tellement acculé par ses fournisseurs, ses agents, entre autres, le gars passe par les députés et supplie pour rentrer dans ses fonds. Même cas de figure avec les mécaniciens. Aujourd’hui, certains véhicules en panne n’arrivent pas être réparés pour cause d’une lourde ardoise. Le garage mécanique niché à l’entrée des Maristes baigne dans un climat morose à cause de la dèche dans laquelle l’Assemblée nationale l’a plongée. 
  
La clameur créée par la dette fiscale a poussé la questure à joindre certains fournisseurs pour leur réclamer des factures afin de procéder aux paiements. Toutefois, il faudra noter que cette réclame a été sélective. Présentement certaines factures comme celles des assureurs (un marché aussi très alambiqué) sont sur la table du questeur. 
  
Cette opacité gène beaucoup de députés. Toutefois, ils préfèrent en parler en coulisse, rouspéter et faire des confessions dans l’anonymat sans attaquer le problème qui contribue à ternir leur image. PressAfrik.com a interrogé aussi bien des députés de la majorité, de l'opposition que des non-inscrits.

PressAfrik.com
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