Je dis Niet Non. (Par Elhadji Diaga Diouf)

Lundi 12 Février 2024

Je ne renoncerais point à ma nationalité sénégalaise du fait des turpitudes d’un homme dont la seule légitimité découle de mon choix, de ton choix, de nos choix. Le président de la République porte ce titre pour la bonne et simple raison que le peuple l’avait choisi pour une mission encadrée dans le temps. Ce peuple, s’il refuse de défendre ses libertés et ses droits, il mérite de vivre dans la servitude, il mérite d’être purement et simplement réduit à l’« esclavage ».


Mes chers concitoyens,
Le problème qui gangrène notre société est que nous n’avons jamais constitué une Nation au vrai sens du terme. Notre pays apparaît plus comme une agrégation de peuples formés de sectes, de congrégations dont les sensibilités filiales sont au-delà de l’Intérêt général. Notre sens de l’engagement et du don de soi n’est actif que lorsque nous sommes victime de manière intuitu personae d’injustice. Nous refusons toujours de sortir l’extincteur pourvu que le feu consume les maisons voisines. Quelle serait notre réaction si le président décidait d’annuler la tenue du Magal de Touba, du Gamou, ou autre activité touchant nos sensibilités communautaires, s’il décidait d’exproprier nos terres pour les donner à autrui, pour des raisons aussi légères que fallacieuses ?

Que chacun se la pose et essaie d’y répondre. En réalité, nous ressemblons à ce village dans lequel chaque chef de famille s’oppose de toute ses forces à l’installation d’un dépotoir d’ordure normé devant chez lui mais, reste indifférent face à la prolifération tous azimuts de décharge non formel sur les lieux publiques. Ces villageois ignorent que ces places, convoiter par leurs enfants, favoriseront en retour la prolifération de diverses maladies qui seront drainées jusqu’au salon de leurs domiciles qui sont si fièrement préservés.  Ce constat accablant vient encore une fois mettre en évidence le caractère sectaire, communautariste et claniste de la société sénégalaise.


Nous cherchons toujours à défendre l’injustice, le mal, le mensonge et tous les vices ou de rester indifférent à leurs égards s’ils s’appliquent aux autres ou ne remettent guère nos intérêts. Le pasteur Martin Niemöller  (1892–1984) disait avec raison que : « Quand les nazis sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste. Quand ils ont enfermé les sociaux-démocrates, je n’ai rien dit, je n’étais pas social-démocrate. Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas syndicaliste. Quand ils sont venus me chercher, il ne restait plus personne pour protester. » Cette phrase trouve sa pertinence et son échos historique dans la situation de la société sénégalaise de nos jours. Lorsque ce régime menait Karim Wade à l’abattoir, nous avons dressé le tapis rouge, c’était une demande sociale. Lorsque c’était le tour de Khalifa Sall, le peuple s’est agrippé sur le respect d’un prétendu esprit républicain. Le monstre continua d’étendre ses ailes et arriva le tour de Ousmane Sonko.


La réaction d’une partie de la jeunesse avait été jugé comme étant excessive, brutale et Sonko comme un pyromane, un renégat et un sapeur des fondamentaux institutionnels de ce pays. Et maintenant, le monstre est venu nous prendre ce que nous avons de plus précieux, notre capacité de choisir, notre capacité de dire Oui ou Non, le seul moment où chaque citoyen retrouve sa souveraineté confisquée au nom du contrat social qui nous lie.


Aujourd’hui, nous avons une responsabilité face à notre passé, devant nos enfants et pour la postérité. Tous les sénégalaises et sénégalais sont interpelés. Les chefs religieux, les chefs coutumiers, les partis politiques, les organisations syndicales, les mouvements de la société civile, en un mot toutes les forces vives de la Nation, nous tous sommes interpelés par notre for intérieur. Ne pas agir serait une trahison. Une trahison vis-à-vis de tous ces martyrs qui ont arrosés le sol béni du Sénégal de leurs sangs purs, ceux là qui par leur vaillance, leur détermination, leur sens de l’honneur et de la responsabilité, leur amour pour cette terre, nous ont permis d’hériter de ce jadis beau pays qu’il faut refaire. Donner au bientôt ex-président Macky Sall la possibilité de reporter sine die l’élection présidentielle et sans fondement constitutionnel sous le couvert d’une mascarade d’un vote parlementaire, c’est ouvrir la boîte de pandores. C’est se résigner, c’est accepter d’être bâillonné, censuré, humilié et plus tard fouillé, contrôlé, emprisonné, torturé et peut-être exécuté. « On n’est pas homme si on n’est pas libre et pas libre si on ne jouit pas de sa liberté, si on ne s’en sert pas, pour décider, se constituer, puis lutter pour se garder et pour grandir », George Calinescu.


Nous n’avons pas droit de laisser un homme nous priver de nos droits. Ce combat pour la restauration de l’Etat de droit, pour le respect de la charte fondamentale de notre République, pour le respect de la parole donnée, pour le refus de la monarchisation du pays, ne doit en aucun cas être l’exclusif des hommes politiques. Debout pour le Sénégal. Debout pour la République.

Agir est une obligation, un devoir pour tout sénégalais épris de justice et engagé pour le triomphe de la vérité.

Par Elhadji Diaga Diouf,
Professeur d’histoire et de géographie au Lycée Mixte Maurice Delafosse de Dakar.
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