De retour de Libreville, où il a assisté au New York Forum Africa, l’envoyé spécial du « Monde Afrique » s’interroge, tout comme certains participants, sur l’utilité de ces grands-messes.
Que faut-il retenir de la 4e édition du New York Forum Africa qui s’est tenue à Libreville du 28 au 30 août ? Les débats, tous centrés sur la jeunesse et la question de l’énergie, organisés lors de cette rencontre entre dirigeants politiques et acteurs du monde économique et de l’entreprise ? La mise en scène des plateaux de discussion dignes des grands show-off à l’américaine ? Ne faut-il retenir que la proposition faite, lors de la clôture des travaux, de rebaptiser cet événement en Libreville Africa Forum dès l’année prochaine ?
Pendant deux jours, les discours fleuves sur l’urgence de résoudre le déficit énergétique dont souffre l’Afrique et qui freine son industrialisation n’ont pas manqué. Des déclarations de bonne intention sur l’accompagnement des jeunes et l’amélioration des systèmes éducatifs et de santé sur le continent, encore moins. Quatre prix d’une valeur totale de 100 000 euros ont été remis à de jeunes entrepreneurs innovants comme le Camerounais Alain Nteff, 23 ans, concepteur de Gifted Mom, une application mobile permettant un suivi des femmes enceintes en zones rurales.
« Pour moi, ce sont les seules retombées concrètes. Tout le reste, c’est du bavardage entre gens qui viennent surtout faire des relations publiques, c’est un peu la même chose chaque année », regrette Franklin Ndong Bekalé, président de l’Union des mutuelles étudiantes du Gabon. Cet étudiant en management de 27 ans a pourtant pris part, comme l’année dernière et comme de nombreux autres jeunes, à l’African Citizen Summit, un mini-forum dans le forum, dédié à la formation.
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« Ces rencontres ne sont pas inutiles, ne serait-ce que parce qu’elles permettent de nouer des contacts qui pourront servir plus tard. Mais cela ne change pas fondamentalement la vie des gens », assène Mélanie Ekoumé, membre d’une organisation de la société civile à Libreville. Elle dit avoir suivi le New York Forum Africa de loin. « Les discours sur l’émergence de l’Afrique, c’est beau. Mais si les taux de chômage des jeunes continuent de frôler les 30 % comme au Gabon, ça ne sert à rien », ajoute-t-elle.
Comment comprendre la multiplication des forums sur l’Afrique ? Depuis près de cinq ans, une rencontre succède à une autre entre chefs d’entreprises, jeunes promoteurs de start-up, responsables politiques et parfois des artistes. La liste, bien longue, se partage entre les colloques organisés sous l’égide de gouvernements – et souvent financés par ces derniers à hauteur de plusieurs millions d’euros – comme le New York Forum Africa de Libreville ou les Forum Forbes Afrique et Build Africa Forum de Brazzaville et ceux pour lesquels la participation est payante au prix fort : Africa Energy Forum, Africa CEO Forum ou le World Economic Forum, qui a une édition africaine annuelle. Ces événements ont un point commun : tous ont la prétention d’être des laboratoires d’idées pour le développement de l’Afrique. Avec plus ou moins de succès, plus ou moins de crédibilité.
Pour Richard Attias, évidemment, ces rencontres sont nécessaires et utiles. « Il est important de comprendre comment l’Afrique va se positionner, se maintenir et quel impact cela peut avoir, argumente le fondateur du New York Forum Africa. Le problème, c’est que trop d’acteurs pensent que l’on peut améliorer son compte de résultats en créant des forums tous les mois sur l’Afrique. » Ces grands-messes seraient-elles donc simplement une forme de business qui ne dit pas son nom ? « Cela doit être avant tout des outils au service des acteurs économiques et politiques. Ils doivent être des appels à l’action et des plateformes d’initiatives », répond Richard Attias.
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Nonka Matula est le directeur du développement d’un cabinet de recrutement sud-africain. Il ne partage pas cet avis. « Si l’on vient, c’est d’abord pour faire du business. Donc, en soi, ce type de rencontres, c’est d’abord du business. C’est un bon filon, sinon ces rencontres ne se multiplieraient pas », argumente ce cadre d’entreprise qui avait déjà pris part au forum AGOA sur l’accord de libre-échange entre les Etats-Unis et l’Afrique, qui s’est tenu sur les mêmes lieux à Libreville, du 24 au 27 août.
La croissance de l’Afrique, entre 5 % et 17 % pour une trentaine de pays, selon des prévisions de la Banque mondiale, aurait-elle donc fait de l’Afrique une marque, un argument marketing ? « Si l’idée est de dire que l’on organise un forum afin d’attirer les investisseurs, tant mieux. Mais on ne voit rien. On parle des villes intelligentes, qui va les faire ? On glose sur le déficit énergétique, mais à deux pas de là, des quartiers entiers vivent toujours sans électricité », lance une jeune femme à un intervenant lors d’un panel de discussion sur les opportunités d’emploi en Afrique.
Encore plus critique, la jeune femme se demande si ces rencontres ne sont pas organisées, aussi, pour embellir l’image de certains dirigeants africains. Il faudrait sans doute un autre forum pour répondre à cette question.
Le Monde
Que faut-il retenir de la 4e édition du New York Forum Africa qui s’est tenue à Libreville du 28 au 30 août ? Les débats, tous centrés sur la jeunesse et la question de l’énergie, organisés lors de cette rencontre entre dirigeants politiques et acteurs du monde économique et de l’entreprise ? La mise en scène des plateaux de discussion dignes des grands show-off à l’américaine ? Ne faut-il retenir que la proposition faite, lors de la clôture des travaux, de rebaptiser cet événement en Libreville Africa Forum dès l’année prochaine ?
Pendant deux jours, les discours fleuves sur l’urgence de résoudre le déficit énergétique dont souffre l’Afrique et qui freine son industrialisation n’ont pas manqué. Des déclarations de bonne intention sur l’accompagnement des jeunes et l’amélioration des systèmes éducatifs et de santé sur le continent, encore moins. Quatre prix d’une valeur totale de 100 000 euros ont été remis à de jeunes entrepreneurs innovants comme le Camerounais Alain Nteff, 23 ans, concepteur de Gifted Mom, une application mobile permettant un suivi des femmes enceintes en zones rurales.
« Pour moi, ce sont les seules retombées concrètes. Tout le reste, c’est du bavardage entre gens qui viennent surtout faire des relations publiques, c’est un peu la même chose chaque année », regrette Franklin Ndong Bekalé, président de l’Union des mutuelles étudiantes du Gabon. Cet étudiant en management de 27 ans a pourtant pris part, comme l’année dernière et comme de nombreux autres jeunes, à l’African Citizen Summit, un mini-forum dans le forum, dédié à la formation.
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« Ces rencontres ne sont pas inutiles, ne serait-ce que parce qu’elles permettent de nouer des contacts qui pourront servir plus tard. Mais cela ne change pas fondamentalement la vie des gens », assène Mélanie Ekoumé, membre d’une organisation de la société civile à Libreville. Elle dit avoir suivi le New York Forum Africa de loin. « Les discours sur l’émergence de l’Afrique, c’est beau. Mais si les taux de chômage des jeunes continuent de frôler les 30 % comme au Gabon, ça ne sert à rien », ajoute-t-elle.
Comment comprendre la multiplication des forums sur l’Afrique ? Depuis près de cinq ans, une rencontre succède à une autre entre chefs d’entreprises, jeunes promoteurs de start-up, responsables politiques et parfois des artistes. La liste, bien longue, se partage entre les colloques organisés sous l’égide de gouvernements – et souvent financés par ces derniers à hauteur de plusieurs millions d’euros – comme le New York Forum Africa de Libreville ou les Forum Forbes Afrique et Build Africa Forum de Brazzaville et ceux pour lesquels la participation est payante au prix fort : Africa Energy Forum, Africa CEO Forum ou le World Economic Forum, qui a une édition africaine annuelle. Ces événements ont un point commun : tous ont la prétention d’être des laboratoires d’idées pour le développement de l’Afrique. Avec plus ou moins de succès, plus ou moins de crédibilité.
Pour Richard Attias, évidemment, ces rencontres sont nécessaires et utiles. « Il est important de comprendre comment l’Afrique va se positionner, se maintenir et quel impact cela peut avoir, argumente le fondateur du New York Forum Africa. Le problème, c’est que trop d’acteurs pensent que l’on peut améliorer son compte de résultats en créant des forums tous les mois sur l’Afrique. » Ces grands-messes seraient-elles donc simplement une forme de business qui ne dit pas son nom ? « Cela doit être avant tout des outils au service des acteurs économiques et politiques. Ils doivent être des appels à l’action et des plateformes d’initiatives », répond Richard Attias.
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Nonka Matula est le directeur du développement d’un cabinet de recrutement sud-africain. Il ne partage pas cet avis. « Si l’on vient, c’est d’abord pour faire du business. Donc, en soi, ce type de rencontres, c’est d’abord du business. C’est un bon filon, sinon ces rencontres ne se multiplieraient pas », argumente ce cadre d’entreprise qui avait déjà pris part au forum AGOA sur l’accord de libre-échange entre les Etats-Unis et l’Afrique, qui s’est tenu sur les mêmes lieux à Libreville, du 24 au 27 août.
La croissance de l’Afrique, entre 5 % et 17 % pour une trentaine de pays, selon des prévisions de la Banque mondiale, aurait-elle donc fait de l’Afrique une marque, un argument marketing ? « Si l’idée est de dire que l’on organise un forum afin d’attirer les investisseurs, tant mieux. Mais on ne voit rien. On parle des villes intelligentes, qui va les faire ? On glose sur le déficit énergétique, mais à deux pas de là, des quartiers entiers vivent toujours sans électricité », lance une jeune femme à un intervenant lors d’un panel de discussion sur les opportunités d’emploi en Afrique.
Encore plus critique, la jeune femme se demande si ces rencontres ne sont pas organisées, aussi, pour embellir l’image de certains dirigeants africains. Il faudrait sans doute un autre forum pour répondre à cette question.
Le Monde