La Guinée-Bissau, petit pays d'Afrique de l'Ouest, est avant tout connue pour les multiples coups d'État qui ont rythmé son histoire. Mais au sortir de l'indépendance, en 1974, le pays a produit un groupe de musique culte : le Super Mama Djombo. Avec ses chansons engagées, la formation a fait de nombreuses tournées internationales. Nos reporters Sarah Sakho et Nicolas Germain ont retrouvé la trace de quatre membres principaux, aux destins forts différents, qui se remémorent cette folle épopée.
Dans les années 1970, le Super Mama Djombo devient un groupe culte en Guinée-Bissau, petit pays d'Afrique de l'Ouest coincé entre la Guinée et le Sénégal. Pendant plus d’une décennie, il fait danser tout un peuple lors de grands concerts gratuits donnés aux quatre coins du pays. Pour toute une génération, le groupe incarne l'insouciance des années qui ont suivies l'indépendance, obtenue en 1974 après dix ans de guerre contre les colons portugais.
Carnet de route en Guinée-Bissau : sur les traces du Super Mama Djombo
Avec ses chansons anti-colonialistes, la musique du Super Mama Djombo devient tout d'abord la bande-son du PAIGC (le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert) d'Amilcar Cabral. Celui que l'on surnomme le "Che Guevara africain" est assassiné en 1973 par d’anciens compagnons d’armes et en 1974, c’est son frère, Luis Cabral, qui devient le premier président de la jeune nation. Le célèbre groupe de musique l'accompagne alors pour ses visites officielles à Cuba, au Mozambique ou encore au Portugal. Il compose d'ailleurs l’hymne national officieux du pays : "Sol Maior para Comandante", un titre qui a, plus tard, interrompu les programmes de la radio lors des coups d’État...
Mais sa proximité avec le nouveau pouvoir n’empêche pas le Super Mama Djombo de chanter les premières désillusions du pays. Certains morceaux dénoncent la corruption et la pauvreté en Guinée-Bissau, ce qui vaut aux musiciens de brefs séjours derrière les barreaux.
40 ans après, "Dissan Na Mbera" reste d'actualité
Après avoir connu son heure de gloire, le groupe se dissout dans les années 1980, comme en écho à la situation du pays, qui ne fait qu’empirer, entre guerre civile et coups d’État. La Guinée-Bissau devient la plaque tournante du trafic de drogue dans la région. Zé Manel, l’un des membres fondateurs du Super Mama Djombo, préfère s’exiler pendant vingt ans. "C'était mieux avant, il y avait une fierté, un État", confie le batteur avec amertume. "Aujourd'hui, on vole, on fait ce que l'on veut... Il y a plus de bandits que de gens sérieux ici !"
Pour Miguelinho Nsimba aussi, la belle époque est depuis longtemps révolue. Le guitariste, autre pilier du groupe, paie le prix fort de la mauvaise gouvernance du pays. Malade, il vit désormais avec sa famille élargie dans une modeste maison. "Je ne peux même pas me payer un comprimé d’aspirine ! Pour survivre, je suis obligé de jouer dans des bars. Pour deux soirées par semaine de 21 h à 2 h du matin, nous gagnons l’équivalent de 20, 30 euros, c’est incroyable, non ?", se désole-t-il. "Nous avons lutté pour que le pays avance, pour que la vie s’améliore... Mais je n’ai pas de regrets."
Si le groupe historique ne s’est jamais reformé au complet, les anciens toujours à Bissau sont toutefois restés en contact. De temps en temps, ils se produisent avec d’autres musiciens. Il y a quelques années, ils sont même partis en tournée en Islande.
Un soir, alors que le soleil se couche sur la capitale, ils se retrouvent pour entonner leur titre le plus célèbre, "Dissan Na Mbera" ("Laissez-moi marcher tranquille"). Une chanson qui fustige les grosses voitures qui manquent d'écraser le peuple sur le bas-côté. Le tube a été écrite peu après l'indépendance, pour dénoncer les errements du nouveau gouvernement. Quatre décennies plus tard, il sonne toujours aussi juste.
FRANCE24
Dans les années 1970, le Super Mama Djombo devient un groupe culte en Guinée-Bissau, petit pays d'Afrique de l'Ouest coincé entre la Guinée et le Sénégal. Pendant plus d’une décennie, il fait danser tout un peuple lors de grands concerts gratuits donnés aux quatre coins du pays. Pour toute une génération, le groupe incarne l'insouciance des années qui ont suivies l'indépendance, obtenue en 1974 après dix ans de guerre contre les colons portugais.
Carnet de route en Guinée-Bissau : sur les traces du Super Mama Djombo
Avec ses chansons anti-colonialistes, la musique du Super Mama Djombo devient tout d'abord la bande-son du PAIGC (le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert) d'Amilcar Cabral. Celui que l'on surnomme le "Che Guevara africain" est assassiné en 1973 par d’anciens compagnons d’armes et en 1974, c’est son frère, Luis Cabral, qui devient le premier président de la jeune nation. Le célèbre groupe de musique l'accompagne alors pour ses visites officielles à Cuba, au Mozambique ou encore au Portugal. Il compose d'ailleurs l’hymne national officieux du pays : "Sol Maior para Comandante", un titre qui a, plus tard, interrompu les programmes de la radio lors des coups d’État...
Mais sa proximité avec le nouveau pouvoir n’empêche pas le Super Mama Djombo de chanter les premières désillusions du pays. Certains morceaux dénoncent la corruption et la pauvreté en Guinée-Bissau, ce qui vaut aux musiciens de brefs séjours derrière les barreaux.
40 ans après, "Dissan Na Mbera" reste d'actualité
Après avoir connu son heure de gloire, le groupe se dissout dans les années 1980, comme en écho à la situation du pays, qui ne fait qu’empirer, entre guerre civile et coups d’État. La Guinée-Bissau devient la plaque tournante du trafic de drogue dans la région. Zé Manel, l’un des membres fondateurs du Super Mama Djombo, préfère s’exiler pendant vingt ans. "C'était mieux avant, il y avait une fierté, un État", confie le batteur avec amertume. "Aujourd'hui, on vole, on fait ce que l'on veut... Il y a plus de bandits que de gens sérieux ici !"
Pour Miguelinho Nsimba aussi, la belle époque est depuis longtemps révolue. Le guitariste, autre pilier du groupe, paie le prix fort de la mauvaise gouvernance du pays. Malade, il vit désormais avec sa famille élargie dans une modeste maison. "Je ne peux même pas me payer un comprimé d’aspirine ! Pour survivre, je suis obligé de jouer dans des bars. Pour deux soirées par semaine de 21 h à 2 h du matin, nous gagnons l’équivalent de 20, 30 euros, c’est incroyable, non ?", se désole-t-il. "Nous avons lutté pour que le pays avance, pour que la vie s’améliore... Mais je n’ai pas de regrets."
Si le groupe historique ne s’est jamais reformé au complet, les anciens toujours à Bissau sont toutefois restés en contact. De temps en temps, ils se produisent avec d’autres musiciens. Il y a quelques années, ils sont même partis en tournée en Islande.
Un soir, alors que le soleil se couche sur la capitale, ils se retrouvent pour entonner leur titre le plus célèbre, "Dissan Na Mbera" ("Laissez-moi marcher tranquille"). Une chanson qui fustige les grosses voitures qui manquent d'écraser le peuple sur le bas-côté. Le tube a été écrite peu après l'indépendance, pour dénoncer les errements du nouveau gouvernement. Quatre décennies plus tard, il sonne toujours aussi juste.
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