Comme le Général De Gaule, à Londres, un certain 18 juin, Karim Wade pense pouvoir haranguer les foules, remobiliser ses troupes à partir du Qatar.
Exfiltré de la prison par le régisseur de prison lui-même, embarqué dans un jet privé en compagnie du Procureur de Qatar, le candidat déclaré du Parti démocratique sénégalais (PDS), a, depuis le Qatar, voulu rassurer ses troupes en ses termes : « La lutte continue ». L’appel du « général » Karim, probable futur Coordonnateur du Pds, a-t-elle des chances d’être entendu ? Mieux, les nombreux coups de fil transmis à ceux qui l’ont soutenu comme Decroix suffissent-ils à lever toutes les équivoques sur les conditions de sa libération ? Assurément pas. Tout pour dire qu’à ses nombreuses contraintes pour s’imposer comme un leader politique digne de ce nom, Karim vient d’en rajouter une de taille, « la connivence avec l’ennemi ».
Ceux qui ont négocié la libération de Karim ont commis l’erreur de l’avoir entrainé dans une dynamique qui pourrait annuler les effets politiques de toutes ces années de sacrifice. Trois années derrière les barreaux au cours desquelles il a su démontrer une certaine preuve de capacité de résistance face aux épreuves qui lui ont été imposées. Il n’a pas été au Pavillon spécial comme la plupart des gros bonnets. Physiquement et psychologiquement, il a su tenir. Et c’est important en politique comme à la guerre où la ténacité face à l’adversaire paie, tôt ou tard.
Mieux, l’accusation, si l’on peut parler ainsi, s’est fourvoyée. De 694 milliards, l’enrichissement qu’on lui reproche est passé à 113 milliards. Et ils disent en avoir recouvert simplement 50. Face à de telles contradictions et bien d’autres comme les accusations sur l’aéroport de Malabo et DPW, Macky et son régime qui soutenaient les poursuites étaient loin de solder leurs comptes avec l’opinion nationale dont une bonne partie était contre l’emprisonnement.
Sur le plan international, les choses ne s’arrangeaient guère mieux. La Commission des droits de l’homme des Nations-Unies avait le Sénégal dans son collimateur étant entendu, qu’à deux reprises, un avis défavorable sur la détention de Karim a été émis. Il fallait, pour Macky Sall, se débarrasser de la patate chaude. Le Qatar a manifestement offert sa médiation et l’arrangement trouvé a permis, au président Sall, sinon de redorer son blason, du moins, de « mouiller » Karim.
Conséquence, aujourd’hui, « l’exil » sonne comme un aveu de culpabilité. Juridiquement, rien n’oblige, en effet, un prisonnier gracié, de subir des contraintes de quelle que nature qu’elles soient. Karim avait la latitude de dire Non. Il ne l’a pas fait. Il a préféré sortir. Ainsi, la seule lutte à laquelle il se trouve confronté est celle de convaincre l’opinion de sa bonne foi dans cet arrangement. Et ce ne sera pas chose facile. C’est vrai qu’il aura toujours ses inconditionnels autour de lui, mais il faut se rappeler que ce ne sont pas les militants des partis qui élisent les présidents. Il s’agit du citoyen lambda souvent déconnecté de la chose politique, mais qui a pleine conscience de ses responsabilités.
Macky a réussi la prouesse de partager la patate chaude avec un Karim qui pourrait continuer à clamer son innocence par rapport à l’enrichissement illicite mais non par rapport au protocole de Rebeuss.
Assane Samb Rewmi Quotidien