Selon le député non inscrit, Me Alioune Abatalib Guèye, secrétaire général de la Convergence pour une nouvelle citoyenneté (Cnc, le président Macky Sall a décidé de se rapprocher du Pds pour renforcer ses chances à un second mandat. Dans cet entretien, l’ancien candidat malheureux à la mairie de Saint-Louis va même plus loin en soutenant que Macky Sall s’est rendu compte qu’il ne pourra pas compter sur ses alliés de 2012 pour sa réélection.
Quelques jours après le lancement du dialogue national qui a vu la participation du Pds, le chef de l’État annonce la libération de Karim Wade d’ici la fin de cette année. Que vous inspire cette situation dans un contexte où on parle de deal entre Macky Sall et le Pds?
Il faut reconstituer le contexte du procès de Karim Wade. Tout le monde sait que la loi de 1981 qui a créé la Crei est éminemment politique. En 1981, le président Abdou Diouf, grâce à une modification de la Constitution par le président Senghor avec l’article 35 de la Constitution, a été appelé pour remplacer celui-ci. Or, Abdou Diouf était un technocrate à qui on reprochait de n’avoir pas eu de base politique et on parlait en définitive de parachutage. Et comme la plupart de ceux qui remettaient en question sa légitimité étaient d’anciens compagnons du président Senghor qui étaient solides non seulement politiquement mais financièrement, certains des proches collaborateurs du président Diouf lui ont conseillé de ne pas laisser ces machines politiques pour la simple raison qu’en politique, ceux qui ont une fortune saine se comptent sur les doigts de la main.
Car la politique, au Sénégal, a toujours enrichi les hommes qui la pratiquent et aucun ne peut soutenir le contraire. Mieux encore, si on interpelle un homme politique sur l’origine de sa fortune en lui intimant de ne dire pas quelque chose vous a été donné, personne n’en sortira. Et, c’est effectivement ce qu’a fait le président Diouf avec cette loi pour dissuader ses opposants. Au final, ceux-ci ont ravalé toutes les critiques concernant sa base politique, sa légitimité au Parti socialiste…Lorsque les gens sont rentrés dans les rangs, il a laissé de côté la loi qui a fini par tomber en désuétude, faute d’application jusqu’à la fin de son règne.
Quand le président Wade est arrivé, il n’a jamais parlé de cette loi malgré les soupçons qui pesaient sur certains responsables socialistes. Le président Macky Sall a décidé lui de réactiver cette loi dont l’orientation ne fait que confirmer la démarche du président Diouf. Car, celui qui est corrompu s’est enrichi illicitement, celui qui a fait le détournement de deniers publics s’est enrichi illicitement. Mieux, lorsque vous êtes poursuivi pour enrichissement illicite, vous ne pouvez pas échapper. D’ailleurs, c‘est la raison pour laquelle, lorsqu’on m’avait interpellé sur cette question, j’avais dit que Karim Wade n’a aucune chance, il va être poursuivi, il va être condamné. Pour l simple raison que l’utilisation de cette loi-là est éminemment politique.
Quid de sa libération annoncée?
La justice a déjà tranché. Ce qui reste, c’est la libération conditionnelle lorsque vous avez fait la moitié de votre peine. Le président de la République peut utiliser ce recours pour des raisons politiques comme pour des raisons sociales. Mais dés qu’on convient que tout ce qui concerne le cas de Karim Wade, c’est un dossier éminemment politique, ne soyons pas surpris que, dans le cas d’un rapprochement politique, le président puisse faire usage de ce que la loi lui permet pour favoriser ce rapprochement. Actuellement, il y a certains des compagnons de Karim Wade qui ont bénéficié d’une libération conditionnelle et d’autres d’autorisations de sortir du territoire pour aller se soigner. Donc, il y a une volonté d’apaisement même si ce sont des mécanismes juridiques qui ont été utilisés.
Qui tire réellement profit de ce rapprochement?
Chacun tire profit de cette situation. Le Pds dans la mesure où il a intérêt à ce que toutes les pressions qui pèsent sur ses dirigeants finissent. Pour qu’en définitive personne n‘aille en prison. Vous avez vu au niveau du Pds le syndrome qui n’a pas été facile à régler pour que les gens répondent à l’appel du président. Mais la réalité était dans son communiqué : « Si vraiment on veut qu’on cesse de mettre nos enfants en prison, il faut que nous soyons un peu plus conséquents pour qu’une solution politique soit trouvée ». Aussitôt après, vous avez vu les premiers pas qui ont été faits. Si c’est au bénéfice du droit ou d’une libération conditionnelle, Karim Wade peut être dans la même moule ou le même cas. Mais personne ne peut dire que sa libération n’a pas une motivation politique.
Maintenant aller jusqu’à dire que c’est un deal, je dis que c’est la réalité politique…Aujourd’hui, le président Macky Sall s’est rendu compte que sa coalition a perdu du terrain avec l’éclatement de certains partis politiques en faveur de la création de plusieurs mouvements à sa défaveur. Au Parti socialiste, on a une partie qui continue de réclamer un candidat socialiste pour 2019 alors qu’au niveau de l’Afp, vous avez vu ce qui s’est passé avec Gakou. L‘objectif du chef de l’État étant d’élargir sa base avec le maximum possible de militants, il a donc décidé de se tourner vers le Pds où il continue de compter beaucoup d’amis dont beaucoup sont à la tête de mouvements politiques. Cela, le président l’a bien compris d’autant plus que bon nombre de ses ex-frères libéraux ne se sentent pas concernés par cette crise qui l’oppose à Abdoulaye Wade. Ils ne sont restés au Pds que par simple courtoisie à Me Wade. Donc, il suffit que le président Wade exprime sa volonté manifeste pour que ces mouvements de soutien rallient la cause de Macky Sall.
Partagez-vous l’idée de ceux qui disent que ce rapprochement va affaiblir Idrissa Seck?
Il faut savoir qu’Idrissa Seck a un calendrier. Depuis qu’il a crée son parti Rewmi, c’est comme ça qu’il a toujours fonctionné. Il avait sa logique. Lui, à chaque fois, il trouve une alternative par rapport au président Macky Sall. Idrissa Seck essaye de créer une rupture entre le Pds et le président Macky Sall. Cette retrouvaille va effectivement beaucoup affaiblir Idrissa Seck. Si certainement jusqu’à l’élection, il n‘y a pas eu de rapprochement entre le Pds et Macky Sall, le secrétaire général du parti Rewmi va trouver des alternatives pour l’élaboration des échéances.
Sud quotidien