Le Président Macky Sall n’est pas un chantre de la charte des Assises nationales. Il a signé le document, il a ironisé sur le contenu et il a glissé les conclusions dans la corbeille. Sans abuser de l’ironie, on peut dire que la charte des Assises nationales file tout droit vers la poubelle nationale, après une brève escale dans la corbeille nationale. Sous l’ère Macky Sall, les conclusions de ce mémorable conclave ont, d’ores et déjà, un destin de détritus. Par conséquent, le dixième anniversaire des Assises nationales est célébré loin du berceau et près de la tombe. Agonie ou anniversaire ? Pitié, ne froissons pas davantage un document figé sous une pellicule de poussière.
Le destin des Assises nationales était effectivement lové dans les limbes de ce Forum mal nommé mais habilement baptisé. D’où le péché originel qui est souvent le péché fatal. La genèse et l’épilogue des Assises nationales sont éloquents à cet égard. Après la réélection spectaculaire du Président Abdoulaye Wade (au premier tour en 2007), l’opposition largement d’obédience socialiste (AFP, PS), la Gauche et la Société civile étaient à la croisée des chemins : se résigner à une léthargie de cinq ans, ou alors lancer une contre-offensive politiquement indispensable à la survie, face à l’hégémonie du PDS et de ses satellites de la CAP 21, sur la marche du pays. La trouvaille efficiente fut les Assises nationales. En réalité, il s’agit d’un duplicata des fameuses Conférences Nationales Souveraines (CNS) qui avaient fait florès en Afrique et grandement aidé à l’éclosion de la démocratie et à la renaissance institutionnelle de l’Etat-post coup d’Etat militaire, dans beaucoup de pays.
D’où l’hérésie nationale que furent et restent les Assises nationales. Car le régime de Wade, en 2008, était démocratiquement vissé sur le socle d’un Etat jamais démoli par un coup de force militaire ou une insurrection populaire. Autrement dit, la trajectoire historique du Sénégal excluait toute espèce de refondation de l’Etat, pour quelque motif que ce soit. Les institutions nationales n’étaient pas à terre. Aucun tas de gravats institutionnels. A l’opposé du Bénin (un pays-phare et un laboratoire) où la Conférence Nationale Souveraine s’est ouverte au crépuscule d’un régime militaire, celui du Général putschiste Mathieu Kérékou. Même chose au Zaïre, où le régime d’origine militaire du Maréchal Mobutu était totalement essoufflé. Le clergé, sous la houlette de Monseigneur Laurent Mosengwo, remplit le vide et assura la Transition chaotique. Au Niger, c’est sur les décombres des régimes des Généraux Seyni Kountché et Ali Seïbou que le tournant démocratique s’était opéré. Pareillement à Brazzaville où le Gouvernement de Transition du Premier ministre, André Milongo, avait jeté la passerelle démocratique entre le régime du militaire Sassou Nguesso et celui du Professeur Pascal Lissouba. Nous sommes au lendemain du fameux Sommet de La Baule de 1990 qui servit de détonateur à la bourrasque démocratique.
Le Sénégal n’étant pas logeable à l’enseigne des Etats post-putschs à refonder, des Sénégalaises et des Sénégalais réunis, en juin 2008, ont déniché une trouvaille sémantiquement plus avenante mais tout aussi porteuse de modifications institutionnelles que les Conférences Nationales Souveraines : les Assises nationales. Question : les Assises nationales sont-elles aussi nationales que la devise nationale (un Peuple, un But, une Foi) ou le drapeau national ? En tout cas, les Assises nationales n’ont pas passé la rampe du suffrage universel par la voie référendaire ou par le biais électoral. Preuve accablante : les deux candidats issus des Assises pompeusement baptisées nationales (les chefs de Partis Moustapha Niasse et Ousmane Tanor Dieng) ont été devancés, au premier tour, par le Président sortant, Abdoulaye Wade, et le candidat Macky Sall. Ce dernier ayant signé la charte avec ou sans réserves. Bien sûr, on nous a sériné que toutes les strates de la société sénégalaise ont été approchées pour établir le catalogue des profondes aspirations et le bulletin des grands besoins. Peut-être. Il n’empêche que le meilleur baromètre de ce qui est national reste, jusqu’à nouvel ordre, un scrutin…national.
Cependant, on ne saurait faire complètement litière des Assises nationales. En effet, si le principe fondateur des Assises et leur caractère national sont contestables, les effets réels ou les incidences tangibles de cette méga-rencontre restent appréciables. Indiscutablement, les Assises nationales ont donné les premiers coups de hache qui ont vite ébranlé puis irrémédiablement incliné le pouvoir d’Abdoulaye Wade. Dans cet ordre d’idées, elles ont servi de matrices à beaucoup de réformes en cours dans les collectivités anciennement locales et nouvellement territoriales, et plus spécifiquement dans le domaine encore faiblement exploré mais amplement conceptualisé de la territorialisation des politiques de développement. Bien que le noyau dur de la charte et la quintessence saisissante des conclusions soient visiblement évacuées par le Président de la république, Macky Sall.
Ainsi, le rééquilibrage préconisé des pouvoirs entre l’Exécutif et le Législatif (sans aller jusqu’à la lisière du régime parlementaire) est bousculé par le bonapartisme rampant de l’Avenue Roume. La fin des interférences dans le fonctionnement de la Justice est toujours reculée. C’est plutôt le printemps des interférences sans fin dans la Justice. Quant à l’idée de changer le Conseil Constitutionnel en Cour Constitutionnelle, elle n’est point à l’ordre du jour. Apparemment, ce n’est pas avant l’obtention du second mandat. Que dire, enfin, des critères d’efficience et de taille qui ont été définis pour former un gouvernement moins budgétivore, plus resserré, plus soudé et plus performant ? On voit l’inverse. Les images du Conseil des ministres suggèrent une salle petite pour un gouvernement obèse.
On n’a donc pas besoin de loupes pour voir que les bassins du Président Abdoulaye Wade rejoignent les marais du Président Macky Sall. Les eaux de 2008 se mêlent à celles de 2018. Les Assises nationales qui ne sont « ni la Bible ni le Coran », sont expéditivement ensevelies par le chef de l’Etat et de la Coalition BBY, avec une oraison aussi funèbre que moqueuse. Du coup, une interrogation affleure : les mœurs d’hier, en brassage avec les manières d’aujourd’hui, fournissent-t-elles les meilleurs gages et les excellentes garanties d’une sérieuse Concertation nationale sur le gaz et le pétrole ? Le doute est autorisé sans être conseillé. Un Président qui chante, avec une belle voix de rossignol, un hymne à la gloire du dialogue, tout en adorant le culte des oukases, peut-il vraiment afficher une sincérité sans pâleur aux yeux de ses opposants ? L’évidence, en ce dixième anniversaire, est que les Assises nationales sont orphelines de quelques uns de ses Mohicans. D’ex-astres des Assises sont, aujourd’hui, des ministres qui illuminent davantage le PSE de Macky Sall que la charte chère à Amadou Makhtar Mbow. Quant à la Pasionaria des Assises nationales, Mme Penda Mbow, elle est désormais plus audible sur la Francophonie payante que sur les Assises éprouvantes. « La victoire a mille pères, la défaite est orpheline » se désolait John F Kennedy, après la défaite de la CIA dans la Baie (cubaine) des cochons. Le gagnant Macky Sall est entouré, le perdant Makhtar Mbow est quasiment seul.
Le destin des Assises nationales était effectivement lové dans les limbes de ce Forum mal nommé mais habilement baptisé. D’où le péché originel qui est souvent le péché fatal. La genèse et l’épilogue des Assises nationales sont éloquents à cet égard. Après la réélection spectaculaire du Président Abdoulaye Wade (au premier tour en 2007), l’opposition largement d’obédience socialiste (AFP, PS), la Gauche et la Société civile étaient à la croisée des chemins : se résigner à une léthargie de cinq ans, ou alors lancer une contre-offensive politiquement indispensable à la survie, face à l’hégémonie du PDS et de ses satellites de la CAP 21, sur la marche du pays. La trouvaille efficiente fut les Assises nationales. En réalité, il s’agit d’un duplicata des fameuses Conférences Nationales Souveraines (CNS) qui avaient fait florès en Afrique et grandement aidé à l’éclosion de la démocratie et à la renaissance institutionnelle de l’Etat-post coup d’Etat militaire, dans beaucoup de pays.
D’où l’hérésie nationale que furent et restent les Assises nationales. Car le régime de Wade, en 2008, était démocratiquement vissé sur le socle d’un Etat jamais démoli par un coup de force militaire ou une insurrection populaire. Autrement dit, la trajectoire historique du Sénégal excluait toute espèce de refondation de l’Etat, pour quelque motif que ce soit. Les institutions nationales n’étaient pas à terre. Aucun tas de gravats institutionnels. A l’opposé du Bénin (un pays-phare et un laboratoire) où la Conférence Nationale Souveraine s’est ouverte au crépuscule d’un régime militaire, celui du Général putschiste Mathieu Kérékou. Même chose au Zaïre, où le régime d’origine militaire du Maréchal Mobutu était totalement essoufflé. Le clergé, sous la houlette de Monseigneur Laurent Mosengwo, remplit le vide et assura la Transition chaotique. Au Niger, c’est sur les décombres des régimes des Généraux Seyni Kountché et Ali Seïbou que le tournant démocratique s’était opéré. Pareillement à Brazzaville où le Gouvernement de Transition du Premier ministre, André Milongo, avait jeté la passerelle démocratique entre le régime du militaire Sassou Nguesso et celui du Professeur Pascal Lissouba. Nous sommes au lendemain du fameux Sommet de La Baule de 1990 qui servit de détonateur à la bourrasque démocratique.
Le Sénégal n’étant pas logeable à l’enseigne des Etats post-putschs à refonder, des Sénégalaises et des Sénégalais réunis, en juin 2008, ont déniché une trouvaille sémantiquement plus avenante mais tout aussi porteuse de modifications institutionnelles que les Conférences Nationales Souveraines : les Assises nationales. Question : les Assises nationales sont-elles aussi nationales que la devise nationale (un Peuple, un But, une Foi) ou le drapeau national ? En tout cas, les Assises nationales n’ont pas passé la rampe du suffrage universel par la voie référendaire ou par le biais électoral. Preuve accablante : les deux candidats issus des Assises pompeusement baptisées nationales (les chefs de Partis Moustapha Niasse et Ousmane Tanor Dieng) ont été devancés, au premier tour, par le Président sortant, Abdoulaye Wade, et le candidat Macky Sall. Ce dernier ayant signé la charte avec ou sans réserves. Bien sûr, on nous a sériné que toutes les strates de la société sénégalaise ont été approchées pour établir le catalogue des profondes aspirations et le bulletin des grands besoins. Peut-être. Il n’empêche que le meilleur baromètre de ce qui est national reste, jusqu’à nouvel ordre, un scrutin…national.
Cependant, on ne saurait faire complètement litière des Assises nationales. En effet, si le principe fondateur des Assises et leur caractère national sont contestables, les effets réels ou les incidences tangibles de cette méga-rencontre restent appréciables. Indiscutablement, les Assises nationales ont donné les premiers coups de hache qui ont vite ébranlé puis irrémédiablement incliné le pouvoir d’Abdoulaye Wade. Dans cet ordre d’idées, elles ont servi de matrices à beaucoup de réformes en cours dans les collectivités anciennement locales et nouvellement territoriales, et plus spécifiquement dans le domaine encore faiblement exploré mais amplement conceptualisé de la territorialisation des politiques de développement. Bien que le noyau dur de la charte et la quintessence saisissante des conclusions soient visiblement évacuées par le Président de la république, Macky Sall.
Ainsi, le rééquilibrage préconisé des pouvoirs entre l’Exécutif et le Législatif (sans aller jusqu’à la lisière du régime parlementaire) est bousculé par le bonapartisme rampant de l’Avenue Roume. La fin des interférences dans le fonctionnement de la Justice est toujours reculée. C’est plutôt le printemps des interférences sans fin dans la Justice. Quant à l’idée de changer le Conseil Constitutionnel en Cour Constitutionnelle, elle n’est point à l’ordre du jour. Apparemment, ce n’est pas avant l’obtention du second mandat. Que dire, enfin, des critères d’efficience et de taille qui ont été définis pour former un gouvernement moins budgétivore, plus resserré, plus soudé et plus performant ? On voit l’inverse. Les images du Conseil des ministres suggèrent une salle petite pour un gouvernement obèse.
On n’a donc pas besoin de loupes pour voir que les bassins du Président Abdoulaye Wade rejoignent les marais du Président Macky Sall. Les eaux de 2008 se mêlent à celles de 2018. Les Assises nationales qui ne sont « ni la Bible ni le Coran », sont expéditivement ensevelies par le chef de l’Etat et de la Coalition BBY, avec une oraison aussi funèbre que moqueuse. Du coup, une interrogation affleure : les mœurs d’hier, en brassage avec les manières d’aujourd’hui, fournissent-t-elles les meilleurs gages et les excellentes garanties d’une sérieuse Concertation nationale sur le gaz et le pétrole ? Le doute est autorisé sans être conseillé. Un Président qui chante, avec une belle voix de rossignol, un hymne à la gloire du dialogue, tout en adorant le culte des oukases, peut-il vraiment afficher une sincérité sans pâleur aux yeux de ses opposants ? L’évidence, en ce dixième anniversaire, est que les Assises nationales sont orphelines de quelques uns de ses Mohicans. D’ex-astres des Assises sont, aujourd’hui, des ministres qui illuminent davantage le PSE de Macky Sall que la charte chère à Amadou Makhtar Mbow. Quant à la Pasionaria des Assises nationales, Mme Penda Mbow, elle est désormais plus audible sur la Francophonie payante que sur les Assises éprouvantes. « La victoire a mille pères, la défaite est orpheline » se désolait John F Kennedy, après la défaite de la CIA dans la Baie (cubaine) des cochons. Le gagnant Macky Sall est entouré, le perdant Makhtar Mbow est quasiment seul.