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Réflexions sur le rapport d'exécution budgétaire à mi-parcours ! (Par Al Hassane NIANG, spécialiste de la gouvernance publique et des réformes institutionnelles)

Jeudi 19 Septembre 2024


Le rapport d'exécution budgétaire publié dernièrement par le ministère des Finances et du Budget présente plusieurs points clés concernant l'état des finances publiques du Sénégal au 30 juin 2024. Notons que ce rapport est préparé en application de l’article 70 de la loi organique n° 2020-07 du 26 février 2020 relative aux lois de finances et publié conformément aux dispositions prévues au point 6.6 de l’annexe à la loi n° 2022-12 du 27 décembre 2022 portant Code de transparence dans la gestion des Finances publiques. Une analyse de ce dernier met en lumière plusieurs points cruciaux, tant positifs que négatifs, concernant les deniers publics dont on peut en faire le détail à travers ce qui suit :

Points positifs

1. Augmentation du budget général :
 L’augmentation du budget général de notre pays, qui passe de 5.533,90 milliards de F CFA à 5.590,64 milliards de F CFA, montre une certaine volonté de maintenir et de renforcer les capacités financières de l'État. Cette hausse qui s’explique également par des reports d’investissements financés à partir des ressources internes pourrait être interprétée comme une réponse proactive aux besoins de planification de ces derniers dans un contexte institutionnel incertain marqué par un changement de régime politique et une absence de lisibilité quant à la trajectoire économique du pays.

2. Mobilisation des ressources :
 La capacité des régies financières du pays à mobiliser 1.913,94 milliards de F CFA, soit 40,78 % des prévisions, est un indicateur de l'efficacité, à un certain niveau, des mécanismes de collecte des recettes publiques. Cela démontre une certaine résilience dans la gestion des finances publiques, surtout dans un environnement économique morose marqué par de multiples incertitudes.

Points négatifs

1. Exécution des dépenses :

 L’exécution des dépenses en capital, qui selon le rapport, n’est que de 31,37 %, soulève en revanche des inquiétudes majeures. Cette contreperformance signifie que les investissements critiques dans les infrastructures et les projets de développement du pays sont insuffisamment financés, ce qui peut retarder voire entraver le développement économique à long terme sans lequel, les politiques publiques n’auraient aucun impact pour les populations. En effet, une forte dépendance aux dépenses ordinaires par rapport aux dépenses d’investissement constitue un péril certain et peut mener notre pays à un cercle vicieux de stagnation ou de récession.

2. Taux d’exécution des ressources :
 Bien que le montant des ressources mobilisées soit significatif, le fait que seulement 40,78 % des prévisions aient été atteintes indique des problèmes sous-jacents dans la politique fiscale et la gestion des recettes. Une telle situation traduit généralement des retards dans la mise en œuvre des programmes associés, ce qui affecte l'efficacité de la gouvernance.

3. Charges de la dette :
 Les charges financières de la dette, qui s’élèvent à 210,32 milliards de F CFA avec un taux d'exécution de 36,37 %, posent également un problème important. Et pour cause, la dette de l’administration centrale demeure supérieure au critère de convergence de l'UEMOA fixé à 70 %. Cet état de fait n’est pas sans conséquence car la mauvaise gestion de la dette qui est aujourd’hui mal maîtrisée est devenue un fardeau qui limite de façon significative les marges de manœuvre du gouvernement pour investir dans des projets essentiels. Cela indique un risque financier croissant qui pourrait affecter la stabilité économique à long terme.

4. Dépenses de personnel
 Montant et taux d'exécution : 

o Toujours selon le rapport, les dépenses de personnel s'élèvent à 701,19 milliards de F CFA, avec un taux d'exécution de 48,61 %. Ce taux peut être interprété de plusieurs manières : 
► Satisfaisant ou inquiétant : Ce taux de 48,61 % peut être perçu comme relativement faible pour une dépense cruciale, car cela pourrait indiquer des retards dans le paiement des salaires ou l'embauche des nouveaux employés. Une analyse plus poussée sera réalisée dans les prochaines réflexions pour déterminer si cela est dû à une gestion budgétaire prudente, à des contraintes financières ou à une absence de trajectoire.
► Impact sur le moral des employés : Une exécution faible est souvent annonciatrice d’une absence de performance. Elle peut affecter le moral des employés et, par conséquent, la productivité dans les secteurs publics.

5. Dépenses d’acquisition de biens et services
 Montant et taux d'exécution :

o L’absence de performance dans la gestion des dépenses d’acquisition est notable tant sur le montant que le taux d’exécution. En effet, avec seulement 156,98 milliards de F CFA pour un taux d’exécution de 37,19 %, cela soulève de sérieuses questions sur la capacité de l'État à répondre à ses besoins opérationnels.  Ce faible taux d’exécution indique par ailleurs des priorités budgétaires mal alignées et les économies qui en découlent peuvent entraîner une fracture dans la fourniture de services essentiels (eau, électricité) ; ce qui pourrait à son tour affecter les Sénégalais dans leur ensemble.
o La diminution des dépenses dans ce domaine est également à déplorer car susceptible d’affecter la qualité des biens acquis par le gouvernement, impactant ainsi les opérations des institutions publiques du pays.

6. Dépenses d’investissement
 Montant et taux d'exécution

o Les dépenses d’investissement sont extrêmement faibles, à 42,61 milliards de F CFA avec un taux d’exécution de 12,24 %. Cette situation est préoccupante pour plusieurs raisons et pourrait avoir un impact à long terme :
► Des investissements insuffisants constituent en général un sérieux problème pour les pays en cela qu’ils freinent le développement d'infrastructures essentielles, ce qui entraîne des conséquences à long terme sur la croissance économique et la qualité de vie.
► La confiance des investisseurs est repose sur une série de paramètres importants dont les taux d'exécution des dépenses d’investissement. Un taux aussi bas peut décourager les investissements privés, car cela dénote une instabilité dans la politique budgétaire de l'État.

7. Fonds national de retraite (FNR)
 Mobilisation des cotisations sociales : 

o La collecte des cotisations sociales s’élève à 87,61 milliards de F CFA avec un taux de 52,00 %. Cela montre une mobilisation relativement satisfaisante par rapport aux prévisions, mais il reste des défis à relever concernant la responsabilisation des contributions.
 Dépenses en allocations de pensions : 
o Avec 60,45 milliards de F CFA exécutés et un taux de 35,88 %, la question de la viabilité du fonds doit se poser avec acuité en corrélation avec les attentes vis-à-vis des bénéficiaires. La gestion des fonds de retraite est cruciale et fondamentale pour tout pays. L'insuffisance des allocations et l’absence de perspectives stratégiques constituent des facteurs aggravant la pauvreté des personnes âgées au Sénégal.

Recommandations

1. Renforcement de l’investissement en Capital :
 Une attention particulière doit être portée à l'augmentation des dépenses en capital. Cela nécessite des stratégies claires pour identifier et prioriser les projets d'infrastructure et des programmes de développement qui peuvent stimuler la croissance économique dont le taux a été revu à la baisse dans la dernière prévision du Fonds Monétaire International (FMI). Celle-ci est désormais projetée à 6,0 % par rapport à la prévision de 7,1 % de juin 2024.

2. Amélioration de la collecte des recettes :
 Le nouveau gouvernement doit envisager la politique fiscale à l’aune d’une nouvelle réforme permettant d’améliorer l'efficacité et l’équité dans la collecte des recettes publiques. Il serait également utile de réduire la pression fiscale et rompre avec la logique du matraquage en élargissant l'assiette fiscale et en mettant en place une stratégie efficace de lutte contre l'évasion fiscale permettraient de soigner de façon significative le taux de mobilisation des ressources. L’optimisation de la mobilisation des ressources pourrait en effet être effective par le renforcement des efforts de collecte des recettes fiscales pour garantir une disponibilité suffisante de fonds à partir d’une nouvelle appréhension de la politique fiscale dépourvue complexité et moins punitive.
 Encourager les contributions au FNR en mettant en place des campagnes de sensibilisation pour informer les travailleurs sur l'importance des cotisations à la retraite, en soulignant les bénéfices potentiels.

3. Gestion de la dette :
 Une réévaluation de la stratégie de gestion de la dette publique est nécessaire pour assurer la soutenabilité des finances publiques. Cela pourrait passer par des stratégies de négociations/groupage pour des taux d'intérêt plus favorables ou des délais de paiement prolongés sur les dettes en cours.

4. Renforcement de la gestion budgétaire
 Les nouvelles autorités publiques gagneraient à identifier et prioriser les dépenses essentielles pour s’assurer qu'elles reçoivent le financement nécessaire sans compromettre la qualité des services.
 Travailler à la promotion et la pratique d’une transparence accrue dans la gestion des fonds publics pour renforcer la confiance des Sénégalais et inciter à une meilleure responsabilisation des gestionnaires.

5. Accélération des dépenses d’investissement
 Œuvrer pour une meilleure planification stratégique des investissements en élaborant/revisitant le plan d’investissement à long terme pour prioriser les projets à fort impact qui amélioreront l'infrastructure et stimuleront la croissance économique.
 Asseoir une meilleure collaboration avec le secteur privé en encourageant davantage les partenariats public-privé (PPP) pour mobiliser des ressources supplémentaires, ce qui peut aider à réaliser des investissements plus ambitieux sans alourdir le budget de l’Etat.

6. Suivi et évaluation des performances
 Mettre en place un système de suivi-évaluation des performance au moyen d’indicateurs spécifiques plus sérieux permettant de suivre l’exécution des dépenses et de mesurer l'impact des dépenses sur la qualité des services publics.
 Assurer une réévaluation des programmes existants en effectuant un audit périodique des programmes financés pour évaluer leur efficacité et ajuster les ressources allouées en fonction des résultats obtenus.

7. Renforcement des capacités institutionnelles
 Renforcer les capacités du personnel de l’administration sur la gestion budgétaire en investissant dans la formation continue des fonctionnaires sur la gestion financière, pour améliorer les compétences en planification, exécution et suivi budgétaire. Une telle action est d’autant plus cruciale que les budgets programmes fondent aujourd’hui l’exécution budgétaires de tous les département ministériels du pays.
 Améliorer les systèmes d’information en renforçant notamment les systèmes d’information financière pour assurer une meilleure gestion des données budgétaires et résoudre les problèmes de transparence.

Conclusion

L’état des finances publiques à mi-parcours, tel que présenté dans le rapport ministère des Finances et du Budget, révèle à la fois une certaine résilience et des défis significatifs. Son analyse montre des taux d'exécution faibles dans plusieurs catégories de dépenses publiques clés. Cela soulève des préoccupations quant à la capacité de l'État à offrir des services adéquats aux Sénégalais et à investir dans des projets qui favorisent la croissance économique à long terme. Une attention particulière doit être portée sur la gestion budgétaire pour aligner les priorités sur les besoins de la population et garantir la viabilité financière des programmes, y compris ceux relatifs aux retraites. Un dialogue avec les parties prenantes et une revitalisation des politiques budgétaires seront fondamentaux pour améliorer ces taux d'exécution et, par conséquent, les résultats sociaux et économiques.

Si le nouveau gouvernement envisage son mandat sous le signe des efforts requis pour ajuster et améliorer l'exécution et l'optimisation du budget, cela contribuerait à un développement économique plus robuste propice à la croissance et au développement durable. Cependant, ignorer les signaux préoccupants, notamment en matière de dépenses en capital et de gestion de la dette, pourrait se traduire par des conséquences graves à long terme pour l'économie du Sénégal. Une approche équilibrée et plus stratégique est donc essentielle.

Président du parti "Jiitël Wareef "
 le 19 septembre 2024
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