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"Si Emile Badiane était vivant, il n’y aurait jamais eu un conflit en Casamance"

Mercredi 25 Août 2021

Jusqu’à sa mort en 1972, Emile Badiane était un acteur clé ayant apporté une pierre à la construction citoyenne de la jeune nation sénégalaise. Ce fidèle allié du Bloc démocratique sénégalais (Bds) de Senghor était un acteur politique endurant, combatif et redoutable, qui a su avec habilité imposer une bipolarisation de l’arène politique dans le sud autrefois dominé par SFIO de Lamine Gueye.

Son entrée en politique coïncidait à un contexte assez particulier en Casamance. Le département de Bignona, plus vaste et plus peuplé était inaudible dans le débat politique. Ainsi, pour prendre le dessus sur   Ziguinchor, minoritaire en termes de population et acquis à la cause de la Section française de l’Internationale ouvrière (Sfio) de Lamine Gueye, Emile Badiane obtint la confiance du leader de Bloc démocratique sénégalais (Bds) et investit le milieu paysan. Avec ses souiens, ils réussirent à convaincre les masses paysannes casamançaises, jusqu’ici très peu ancrées dans la chose politique, en les enrôlant massivement dans les rangs du BDS de Senghor. Il s’appuyait sur la promesse « de la suppression de l’indigénat » cher à Senghor, une stratégie payante. Il occupa d’importantes responsabilités politiques : Secrétaire Général à l’organisation et à la propagande du (BDS), Secrétaire administratif adjoint de l’union progressiste sénégalais (UPS), Secrétaire Général adjoint de l’UPS.



Auparavant, Ils avaient mis en place le Mouvement des Forces Démocratiques de Casamance originel  le 14 mars 1947 à Sédhiou avec Ibou Diallo, Dembo Coly, Boubacar Edouard Diallo, Yoro Kandé, Assane Seck, Edouard Diatta, Michel Diop, Paul Ignace Coly…  Emile Badiane se battait avant tout, pour une représentation effective des autochtones au niveau du Conseil général où seuls les membres de la Section Française de l’Internationale Ouvrière de Lamine Gueye (Sfio), parlaient au nom de la Casamance. Pour lui, les visées du « Mfdc authentique » consistaient à apporter une réponse aux soucis des populations, « de combler un vide politique» favorisé par le hiatus imposé par  le territoire gambien, en séparant la Casamance  « du principal pôle de décision, Dakar ».


  De ce fait, ce MFDC n’a jamais eu en ligne de mire la revendication d’une autonomie de la Casamance. « Emile n’a jamais été pour une indépendance de la Casamance», dixit Paul Ignace Coly, premier Maire de Bignona 1960-1970, membre de la délégation du département  de Bignona qui a pris part à cette fameuse réunion du 14 mars 1947 ayant porté sur les fond baptismaux  le MFDC originel. Il ajoute, que jamais il n’a existé « un deal entre Emile Badiane et Léopold S. Senghor pour une indépendance de la Casamance après celle du Sénégal en 1960 ». « Il y a l’épisode où des gens ont dit que c’est Emile Badiane qui avait dit à des combattants du MFDC que tant d’années après l’indépendance du Sénégal, la Casamance prendrait son indépendance. Ce qui est absolument faux », ajoute-t-il. « Je l’ai dit devant mes parents quand il y a eu les rencontres de Foundiougne. Il était un patriote et Emile Badiane ne l’aurait jamais accepté. Cette histoire est un gros mensonge. Si Emilie Badiane était vivant, il n’y aurait jamais eu un conflit en Casamance. Les gens n’ont pas dit la vérité. J’ai rencontré un chef d’Attika qui m’a avoué que c’est après qu’il a appris que celui qui les avait engagés sur ce chemin racontait des histoires », a insisté le président du Collectif des cadres casamançais. Pierre Goudiaby Atepa, le grand architecte rapporte qu’Emile Badiane était très proche du président Léopold Sédar Senghor qui l’appelait affectueusement, mon « Petit Diola », mais cette complicité avait un seul but : « faire avancer le Sénégal ».

Le MFDC peinait à s’unir et à parler d’une seule voix. Les dissensions internes apparaissent au grand jour, au congrès de juin 1954 visant à intégrer le MFDC au BDS. Frustré par ce qu’il considérait comme une démarche unilatérale entreprise par Emile Badiane et Ibou Diallo auprès de Senghor pour une intégration du MFDC dans le BDS, Djibril Sarr s’oppose farouchement à ce projet.  La jeunesse du Mfdc conduit par Faye Badji, président desdits jeunes, à ses côtés, Djibril Sarr réussit à bloquer les travaux. Le congrès se poursuivra au troisième jour. Ainsi, la majorité accepte « un apparentement» entre Mfdc et Bds plutôt qu’une « intégration ». Le désaccord prend un autre tournant.  Djibril Sarr insatisfait de cette orientation qu’il estimait être exclu depuis le départ, créa le Mouvement pour l’Autonomie de la Casamance (Mac) en 1956 qui rejoint plus tard le Sfio de Lamine Gueye.

Emile Badiane à marqué son époque jusqu’à sa mort brutale en 1972. Dans le domaine de l’éducation et la formation l’homme à contribuée avec générosité à la formation de l’élite intellectuelle à la veille comme au lendemain des indépendances. Pierre Goudiaby Atepa fait partie des milliers de Sénégalais à avoir bénéficié de sa générosité. L’architecte clame cela avec fierté et avec une voix empreinte d’émotion qu’il était « le monsieur Casamance ». « Il l’assumait bien. Quand j’ai perdu mon père en 1965, c’est lui qui m’a pris chez lui avec ma tante. C’est lui qui m’a envoyé aux Etats-Unis poursuivre mes études », confie-t-il, en précisant que « ce n’était par clientélisme ». « J’ai fait trois concours que j’ai réussis pour avoir une bourse en France, au Canada et aux Etats-Unis. Emile hébergeait. Il s’occupait de tout le monde. C’est lui qui m’a inculqué beaucoup de valeurs », témoigne-t-il.

Emile Badiane savait aussi livrer une bataille politique. Ce rassembleur, dont des édifices, places et rues portent son nom « n’hésitait pas de passer la nuit, voire manger et dormir chez ses adversaires. « Il octroyait des zincs à ses adversaires politiques. Quand il descend dans un village, il rencontre d’abord ses adversaires politiques avant de voir ses militants », témoigne Atab Bodian.

Car pour lui « Il ne faut jamais fuir ton ennemi, vas vers lui, il comprendra et deviendra ton ami », rapporte Edmond Badiane, censeur du Lycée Haoune Sané de Bignona. Une générosité que lui témoignent toujours ses contemporains. Tous ont salué la magnanimité «d’un paysan, d’un éducateur d’un homme d’Etat», écrit Makhily Gassama qui en 57 années d’existence a inscrit son nom sur les annales de l’histoire politique du Sénégal. A l’image de Pierre Goudiaby Atepa, ses contemporains disent espérer que son rêve de voir une ligne de chemin de fer Dakar-Tambacounda-Ziguinchor devenir une réalité comme l’avait promis le chef de l’Etat.


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