Né en 1982 à Damas dans une famille aisée, Ahmed al-Chareh, connu sous le nom de guerre Abou Mohammed al-Joulani, est devenu l’une des figures les plus influentes et controversées de la guerre civile syrienne. Longtemps dans l’ombre, il a pris la lumière avec la chute du régime de Bachar al-Assad, qu’il a orchestrée à la tête de sa coalition rebelle islamiste.
Al-Joulani grandit dans un quartier huppé de Damas, loin des privations subies par une grande partie de la population syrienne. Cependant, les attentats du 11 septembre 2001 marquent un tournant dans sa vie. Selon des témoignages, c’est à cette période qu’il commence à s’intéresser aux idées jihadistes, participant à des prêches clandestins dans les banlieues pauvres de la capitale.
En 2003, il rejoint al-Qaïda en Irak, où il gravit les échelons au sein du groupe. Capturé par les forces américaines, il passe cinq ans en prison, une période qui consolide son idéologie et ses réseaux.
Le retour en Syrie et l’émergence d’un leader
Avec le déclenchement de la guerre civile syrienne en 2011, al-Joulani revient dans son pays natal et fonde le Front al-Nosra. Ce groupe, affilié à al-Qaïda, se démarque rapidement par sa discipline militaire et son efficacité sur le terrain. Mais en 2016, al-Joulani rompt officiellement ses liens avec al-Qaïda, rebaptisant son mouvement Hayat Tahrir al-Cham (HTS) dans une tentative de se repositionner comme une force politique et militaire légitime.Ce virage stratégique inclut un changement de discours. Al-Joulani adopte une rhétorique plus modérée, tendant la main aux communautés chrétiennes et établissant une administration civile dans les territoires sous son contrôle. Toutefois, ce repositionnement ne suffit pas à effacer les accusations de crimes de guerre portées contre HTS par l’ONU.
Un stratège pragmatique et controversé
En dépit de son passé marqué par l’extrémisme, al-Joulani montre une capacité d’adaptation rare. Depuis la chute de Damas, il s’efforce de maintenir l’ordre dans les zones conquises et de rassurer la communauté internationale. À Alep, il appelle ses troupes à protéger les minorités religieuses, un geste interprété par certains comme une manœuvre politique pour légitimer son pouvoir.Pour ses partisans, il est un héros national ayant libéré la Syrie de la tyrannie d’al-Assad. Pour ses détracteurs, il reste un jihadiste dangereux, prêt à user de tous les moyens pour asseoir son autorité.
Un avenir incertain
Abou Mohammed al-Joulani incarne aujourd’hui l’ambiguïté du nouveau pouvoir syrien : un mélange de pragmatisme politique et d’idéologie radicale. Son avenir, et celui de la Syrie, dépendront de sa capacité à transformer sa victoire militaire en un projet politique viable, tout en affrontant la méfiance des Syriens et de la communauté internationale.Portrait d’un homme à la croisée des chemins, entre le poids de son passé et les attentes d’un pays en quête de stabilité.
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