L'armée israélienne a indiqué le 20 décembre avoir tiré dans les jambes d'un Syrien qui participait à une manifestation contre sa présence dans le village de Maariya, dans le sud de la Syrie. « Les troupes israéliennes ont demandé aux manifestants de reculer. Après avoir identifié une menace, les troupes ont répondu conformément aux procédures en vigueur », a fait savoir l'armée dans un communiqué.
Quelques heures seulement après la chute du président syrien Bachar el-Assad, chassé du pouvoir par les rebelles le 8 décembre, l'armée israélienne s'est déployée dans une zone tampon, contrôlée par l'ONU, séparant les deux pays, sur le plateau du Golan. Une zone de 500 km², soit 150 % de la taille de la bande de Gaza.
Des frontières amovibles ?
Le gouvernement israélien a indiqué que la chute du clan Assad avait créé « un vide à la frontière d'Israël et dans la zone tampon », soulignant que la présence de troupes israéliennes y était temporaire, en attendant que la sécurité puisse être garantie. Le lendemain 9 décembre, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu affirmait que le Golan annexé appartenait à Israël « pour l'éternité ». Son ministre de la Défense Israël Katz indiquait le 13 décembre avoir donné consigne à l'armée de « se préparer à rester » dans la zone tampon tout l'hiver.
Environ 31 000 Israéliens vivent actuellement dans cette zone annexée, une occupation illégale au regard du droit international. La Knesset israélienne a approuvé le 15 décembre dernier un projet visant à doubler le nombre de colons dans la zone occupée par Israël sur le plateau du Golan syrien.
L'ONU considère la prise de contrôle de la zone tampon comme une « violation » de l'accord de désengagement de 1974 entre la Syrie et Israël. Israël qui a conquis une partie du Golan, dans le sud-ouest de la Syrie, lors de la guerre israélo-arabe de 1967, avant d'annexer ce territoire en 1981. Seuls les États-Unis, sous l'administration de Donald Trump, ont reconnu en 2019 l'annexion de ce territoire stratégique.
« Du point de vue israélien, il n'y a pas d'accord possible tant que les voisins ou les adversaires ne sont pas fragilisés, si ce n'est agenouillés. Donc il faut les frapper très fort et leur montrer à quel point ils sont les plus puissants » note Thomas Vescovi, doctorant en études politiques et membre du comité de rédaction de Yaani. C’est en effet ce qui s’est passé avec les bombardements massifs sur le Liban contre le Hezbollah, et c'est ce qui se passe depuis le 8 décembre avec plus de 500 frappes israéliennes sur la Syrie. « On comprend dès lors pourquoi l'invasion israélienne des territoires syriens et libanais permet de faire pression sur l'État central, qu’il soit libanais ou syrien, afin de dire : "Si vous ne faites pas en sorte que nos citoyens en Israël soient protégés, nous agirons nous-mêmes, soit en maintenant une occupation du Sud-Liban, soit en maintenant une occupation de cette zone au sud de la Syrie, tant qu'on ne pourra pas s'assurer que nos citoyens sont en sécurité." »
Début décembre, des dizaines de colons israéliens ont aussi franchi la frontière libanaise. Ils se sont filmés en train de monter des tentes et ont brandi une pancarte sur laquelle était inscrit : « Le Liban est à nous ». Ces colons, pour qui le sud du pays du Cèdre fait partie de la Galilée israélienne, ont été délogés par l’armée de l'État hébreu.
En vertu de l’accord de cessez-le-feu entre Israël et le Liban conclu fin novembre, l’armée israélienne a jusqu’au mois de janvier pour retirer toutes ses troupes, une partie d’entre elles étant toujours présentes depuis l’offensive lancée en octobre. Le premier retrait a eu lieu dans la ville d’al-Khiam le 12 décembre.
« Au sein du gouvernement israélien se trouvent deux tendances très différentes, analyse Thomas Vescovi : une tendance très pragmatique, incarnée par Netanyahu, qui est de considérer que la sécurité d'Israël passe par l'écrasement de ses voisins et par la démonstration auprès des voisins qu’Israël est le plus fort. Il y a aussi une deuxième vision concomitante au sein du gouvernement qui, elle, estime qu'il faut aller vers le grand Israël, vers une expansion des frontières d'Israël : partout où on peut, on s'installe, on occupe, on colonise. »
Toujours plus de colonies en Cisjordanie occupée
Depuis 1947 et après trois guerres israélo-arabes, le territoire israélien s’est étendu sur plus de 8 000 km² (1 000 km² au Golan et 7 000 km² en Cisjordanie), sa superficie étant aujourd’hui de 22 000 km². En Cisjordanie occupée, la colonisation s’est considérablement accentuée depuis le 7-Octobre.
« En Cisjordanie, un processus était quasi continu depuis plus de 20 ans : accélérer la colonisation pour aller vers une forme d'annexion d'une partie de la Cisjordanie, explique Thomas Vescovi. Le 7-Octobre a permis de doubler ce processus-là en l'accélérant et en créant une situation de fait accompli. »
Environ un demi-million d'Israéliens vivent dans plus de 130 colonies, à l'exclusion de Jérusalem-Est (où sont présents quelque 230 000 colons). On estime à trois millions le nombre de Palestiniens qui y vivent. Les communautés palestinienne et juive sont pour la plupart séparées l'une de l'autre.
Ces colonies sont considérées comme illégales par les Nations unies depuis des décennies, une position réaffirmée par un arrêt de la Cour internationale de Justice (CIJ) en juillet. La Cour a estimé que la présence continue d’Israël dans le territoire palestinien était illégale. Elle a ainsi pointé du doigt les démolitions discriminatoires de maisons et les transferts forcés, la présence et l’expansion de colonies israéliennes illégales construites sur des terres palestiniennes saisies illégalement. En mars dernier, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme déclarait que l’expansion des colonies dans les territoires palestiniens occupés relevait du « crime de guerre ».
Suite à l’arrêt de la CIJ, l’Assemblée générale de l’ONU a réclamé, le 18 septembre, la fin de l’occupation israélienne des territoires palestiniens dans les « douze mois » et a appelé à des sanctions contre Israël. Une résolution non contraignante qui a provoqué la colère de l’État hébreu, la qualifiant de « cynique ».
Selon les Nations unies, neuf nouvelles colonies et 49 nouveaux avant-postes (des colonies établies dans les territoires palestiniens occupés sans l'autorisation du gouvernement israélien) ont été construits sur des terres palestiniennes entre le 31 octobre 2023 et le 1er novembre 2024. Il s’agit d’une hausse de 193 % par rapport à l’année précédente. Dans le même temps, 1 617 structures palestiniennes ont été démolies en 2024, contre 1 175 en 2023.
« Israël accélère les mesures visant à consolider l’annexion de la Cisjordanie occupée, y compris Jérusalem-Est, et à s’approprier les terres palestiniennes, en remplaçant les communautés palestiniennes par des colons, en violation du droit international », a alerté mercredi 18 décembre le Bureau des droits de l’homme de l’ONU.
Le gouvernement israélien a ouvertement déclaré son intention de doubler le nombre de colons pour le porter à un million. En avril, la chaîne israélienne Channel 12 rapportait que le ministre israélien des Finances Bezalel Smotrich fait pression pour entamer le processus de légalisation de 68 avant-postes illégaux en Cisjordanie. Certains ayant déjà été autorisés rétroactivement.
Le 22 novembre, le ministre israélien de la Défense Israël Katz a annoncé que la détention administrative, équivalent d'une garde à vue quasi illimitée, ne serait désormais plus applicable aux colons israéliens en Cisjordanie. Un geste du gouvernement israélien en direction de la frange la plus radicale des colons, alors que ces derniers bénéficient déjà d'une très large impunité lorsqu’ils confisquent des terres agricoles, détruisent des maisons et arrachent des oliviers, entre autres.
Vers une recolonisation de la bande de Gaza ?
Quant à la bande de Gaza ravagée et où plus de 45 000 Palestiniens ont été tués, le Premier ministre israélien a affirmé dès le début de la guerre qu’Israël n’avait pas l’intention de recoloniser Gaza, une terre qu’il avait quittée en 2005. Pourtant, selon Tomer Persico, chercheur israélien à l’université Reichmann de Herzliya, « il y a une volonté claire de certains ministres du gouvernement de réinstaller des juifs à Gaza ».
De nombreux colons affirment d’ailleurs être prêts à s’installer sur ce territoire de 365 km². Lors d'une interview sur Channel 13 mi-novembre, Daniella Weiss, à la tête du mouvement Nachala qui veut notamment organiser la recolonisation de la bande de Gaza, a déclaré qu'elle s’était récemment rendue dans le nord de l’enclave et avait le soutien de 740 familles pour établir des colonies dans ce territoire palestinien. Elle espère obtenir le soutien d'« un à deux millions d'Israéliens ». Pour Daniella Weiss, le corridor de Netzarim – zone tampon de quatre kilomètres de large construite par Israël qui traverse la bande de Gaza d’est en ouest et qui représente 15 % de l’enclave – est « l'endroit que nous visons plus que tout ».
En plus du corridor de Netzarim, au sud de la ville de Gaza, deux autres corridors coupent aujourd’hui l’enclave palestinienne d’Est en Ouest : celui de Philadelphie, frontalier avec l’Égypte, et celui de Kissoufim, entre Netzarim et l’Égypte. Selon plusieurs rapports cités par le New York Times, l'armée israélienne profiterait de ces corridors pour fortifier leurs alentours, ce qui pourrait ouvrir la voie à une installation pérenne des forces militaires.
« La vérité est que la solution la plus morale, pas forcément la plus correcte, c’est de leur dire : "Nous vous donnons l’opportunité de partir d’ici, d’aller vers d’autres pays. C’est la terre d’Israël" », a lancé le ministre de la Sécurité Itamar Ben-Gvir en octobre dernier.
Un peu moins de 30 % de la bande de Gaza est actuellement occupée formellement par l'armée israélienne. Les bases militaires et les routes sont effectives. « Deux variables vont être fondamentales d'ici à l'été 2025, appuie Thomas Vescovi. Quelle politique va mener la Maison Blanche par rapport à cette question ? Le laisser-faire total à Benyamin Netanyahu ou l'obtention d'un accord qui soit acceptable a minima par toutes les parties. Mais la deuxième variable importante, c'est que précisément la politique américaine va être liée à la volonté de la signature d'accord entre des pays arabes et Israël, et notamment l'Arabie saoudite. »
Or, pour le moment, l'Arabie saoudite est très claire et très ferme : pas de colonies dans la bande de Gaza. Et surtout, Riyad exige le retrait de l'armée israélienne de Gaza. « Benyamin Netanyahu sait que là, tout est en place pour coloniser. Il n'y a plus que le feu vert pour débuter une forme de colonisation. Mais il sait que pour l'instant, c'est impossible, les rapports de force dans la région ne le permettent pas. »
« Tout faire pour qu'il ne puisse pas exister un État de Palestine »
Le 19 décembre dernier, le quotidien israélien d'opposition Haaretz s’interrogeait : « Israël est-il vraiment en train de construire un empire au Moyen-Orient ? » Et le quotidien israélien d’affirmer qu’« il semble toujours choquant qu'Israël puisse conquérir de nouveaux territoires souverains d’autres pays pour la première fois depuis l’invasion du Liban, il y a 42 ans. Mais il n’y a pas de meilleur de moyen de rendre les projets d’Israël sur Gaza moins choquants. »
La stratégie du Premier ministre israélien vise à considérer que la région ne peut être en paix que si un pays domine les autres. Mais la domination ne marche qu’à court terme et cela semble être la grande leçon du 7-Octobre. L'Histoire a montré à maintes reprises que la domination fonctionnait par cycle, et que le seul moyen d’en sortir par le haut, ce n'était pas en occupant, en expulsant, mais par la signature d'accords, par la diplomatie et le dialogue. Ce que le gouvernement israélien actuel ne semble pas disposé à faire.
« Le 7-Octobre, il faut l'appréhender comme un moment qui ferme une séquence qui à mon avis durait depuis à peu près vingt ans où il y a eu une espèce de disparition de la question palestinienne et où chaque acteur, que ce soit au Liban ou en Syrie, était mobilisé sur d'autres enjeux et questions, analyse Thomas Vescovi. Le 7-Octobre, ce n'est pas, selon moi, une opportunité de conquête territoriale par Israël. C'est plutôt une opportunité pour Benyamin Netanyahu d'aller au bout de sa volonté de solder complètement la question palestinienne. Benyamin Netanyahu, lui, sait que, là, il y a un enjeu : tout faire pour qu'il ne puisse pas exister un État de Palestine. »
Depuis sa création, Israël est dépourvu d’une Constitution écrite établissant ses frontières formelles. Aujourd’hui, avec au pouvoir une extrême droite qui ignore le droit international, les inquiétudes sont donc bien réelles.
Quelques heures seulement après la chute du président syrien Bachar el-Assad, chassé du pouvoir par les rebelles le 8 décembre, l'armée israélienne s'est déployée dans une zone tampon, contrôlée par l'ONU, séparant les deux pays, sur le plateau du Golan. Une zone de 500 km², soit 150 % de la taille de la bande de Gaza.
Des frontières amovibles ?
Le gouvernement israélien a indiqué que la chute du clan Assad avait créé « un vide à la frontière d'Israël et dans la zone tampon », soulignant que la présence de troupes israéliennes y était temporaire, en attendant que la sécurité puisse être garantie. Le lendemain 9 décembre, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu affirmait que le Golan annexé appartenait à Israël « pour l'éternité ». Son ministre de la Défense Israël Katz indiquait le 13 décembre avoir donné consigne à l'armée de « se préparer à rester » dans la zone tampon tout l'hiver.
Environ 31 000 Israéliens vivent actuellement dans cette zone annexée, une occupation illégale au regard du droit international. La Knesset israélienne a approuvé le 15 décembre dernier un projet visant à doubler le nombre de colons dans la zone occupée par Israël sur le plateau du Golan syrien.
L'ONU considère la prise de contrôle de la zone tampon comme une « violation » de l'accord de désengagement de 1974 entre la Syrie et Israël. Israël qui a conquis une partie du Golan, dans le sud-ouest de la Syrie, lors de la guerre israélo-arabe de 1967, avant d'annexer ce territoire en 1981. Seuls les États-Unis, sous l'administration de Donald Trump, ont reconnu en 2019 l'annexion de ce territoire stratégique.
« Du point de vue israélien, il n'y a pas d'accord possible tant que les voisins ou les adversaires ne sont pas fragilisés, si ce n'est agenouillés. Donc il faut les frapper très fort et leur montrer à quel point ils sont les plus puissants » note Thomas Vescovi, doctorant en études politiques et membre du comité de rédaction de Yaani. C’est en effet ce qui s’est passé avec les bombardements massifs sur le Liban contre le Hezbollah, et c'est ce qui se passe depuis le 8 décembre avec plus de 500 frappes israéliennes sur la Syrie. « On comprend dès lors pourquoi l'invasion israélienne des territoires syriens et libanais permet de faire pression sur l'État central, qu’il soit libanais ou syrien, afin de dire : "Si vous ne faites pas en sorte que nos citoyens en Israël soient protégés, nous agirons nous-mêmes, soit en maintenant une occupation du Sud-Liban, soit en maintenant une occupation de cette zone au sud de la Syrie, tant qu'on ne pourra pas s'assurer que nos citoyens sont en sécurité." »
Début décembre, des dizaines de colons israéliens ont aussi franchi la frontière libanaise. Ils se sont filmés en train de monter des tentes et ont brandi une pancarte sur laquelle était inscrit : « Le Liban est à nous ». Ces colons, pour qui le sud du pays du Cèdre fait partie de la Galilée israélienne, ont été délogés par l’armée de l'État hébreu.
En vertu de l’accord de cessez-le-feu entre Israël et le Liban conclu fin novembre, l’armée israélienne a jusqu’au mois de janvier pour retirer toutes ses troupes, une partie d’entre elles étant toujours présentes depuis l’offensive lancée en octobre. Le premier retrait a eu lieu dans la ville d’al-Khiam le 12 décembre.
« Au sein du gouvernement israélien se trouvent deux tendances très différentes, analyse Thomas Vescovi : une tendance très pragmatique, incarnée par Netanyahu, qui est de considérer que la sécurité d'Israël passe par l'écrasement de ses voisins et par la démonstration auprès des voisins qu’Israël est le plus fort. Il y a aussi une deuxième vision concomitante au sein du gouvernement qui, elle, estime qu'il faut aller vers le grand Israël, vers une expansion des frontières d'Israël : partout où on peut, on s'installe, on occupe, on colonise. »
Toujours plus de colonies en Cisjordanie occupée
Depuis 1947 et après trois guerres israélo-arabes, le territoire israélien s’est étendu sur plus de 8 000 km² (1 000 km² au Golan et 7 000 km² en Cisjordanie), sa superficie étant aujourd’hui de 22 000 km². En Cisjordanie occupée, la colonisation s’est considérablement accentuée depuis le 7-Octobre.
« En Cisjordanie, un processus était quasi continu depuis plus de 20 ans : accélérer la colonisation pour aller vers une forme d'annexion d'une partie de la Cisjordanie, explique Thomas Vescovi. Le 7-Octobre a permis de doubler ce processus-là en l'accélérant et en créant une situation de fait accompli. »
Environ un demi-million d'Israéliens vivent dans plus de 130 colonies, à l'exclusion de Jérusalem-Est (où sont présents quelque 230 000 colons). On estime à trois millions le nombre de Palestiniens qui y vivent. Les communautés palestinienne et juive sont pour la plupart séparées l'une de l'autre.
Ces colonies sont considérées comme illégales par les Nations unies depuis des décennies, une position réaffirmée par un arrêt de la Cour internationale de Justice (CIJ) en juillet. La Cour a estimé que la présence continue d’Israël dans le territoire palestinien était illégale. Elle a ainsi pointé du doigt les démolitions discriminatoires de maisons et les transferts forcés, la présence et l’expansion de colonies israéliennes illégales construites sur des terres palestiniennes saisies illégalement. En mars dernier, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme déclarait que l’expansion des colonies dans les territoires palestiniens occupés relevait du « crime de guerre ».
Suite à l’arrêt de la CIJ, l’Assemblée générale de l’ONU a réclamé, le 18 septembre, la fin de l’occupation israélienne des territoires palestiniens dans les « douze mois » et a appelé à des sanctions contre Israël. Une résolution non contraignante qui a provoqué la colère de l’État hébreu, la qualifiant de « cynique ».
Selon les Nations unies, neuf nouvelles colonies et 49 nouveaux avant-postes (des colonies établies dans les territoires palestiniens occupés sans l'autorisation du gouvernement israélien) ont été construits sur des terres palestiniennes entre le 31 octobre 2023 et le 1er novembre 2024. Il s’agit d’une hausse de 193 % par rapport à l’année précédente. Dans le même temps, 1 617 structures palestiniennes ont été démolies en 2024, contre 1 175 en 2023.
« Israël accélère les mesures visant à consolider l’annexion de la Cisjordanie occupée, y compris Jérusalem-Est, et à s’approprier les terres palestiniennes, en remplaçant les communautés palestiniennes par des colons, en violation du droit international », a alerté mercredi 18 décembre le Bureau des droits de l’homme de l’ONU.
Le gouvernement israélien a ouvertement déclaré son intention de doubler le nombre de colons pour le porter à un million. En avril, la chaîne israélienne Channel 12 rapportait que le ministre israélien des Finances Bezalel Smotrich fait pression pour entamer le processus de légalisation de 68 avant-postes illégaux en Cisjordanie. Certains ayant déjà été autorisés rétroactivement.
Le 22 novembre, le ministre israélien de la Défense Israël Katz a annoncé que la détention administrative, équivalent d'une garde à vue quasi illimitée, ne serait désormais plus applicable aux colons israéliens en Cisjordanie. Un geste du gouvernement israélien en direction de la frange la plus radicale des colons, alors que ces derniers bénéficient déjà d'une très large impunité lorsqu’ils confisquent des terres agricoles, détruisent des maisons et arrachent des oliviers, entre autres.
Vers une recolonisation de la bande de Gaza ?
Quant à la bande de Gaza ravagée et où plus de 45 000 Palestiniens ont été tués, le Premier ministre israélien a affirmé dès le début de la guerre qu’Israël n’avait pas l’intention de recoloniser Gaza, une terre qu’il avait quittée en 2005. Pourtant, selon Tomer Persico, chercheur israélien à l’université Reichmann de Herzliya, « il y a une volonté claire de certains ministres du gouvernement de réinstaller des juifs à Gaza ».
De nombreux colons affirment d’ailleurs être prêts à s’installer sur ce territoire de 365 km². Lors d'une interview sur Channel 13 mi-novembre, Daniella Weiss, à la tête du mouvement Nachala qui veut notamment organiser la recolonisation de la bande de Gaza, a déclaré qu'elle s’était récemment rendue dans le nord de l’enclave et avait le soutien de 740 familles pour établir des colonies dans ce territoire palestinien. Elle espère obtenir le soutien d'« un à deux millions d'Israéliens ». Pour Daniella Weiss, le corridor de Netzarim – zone tampon de quatre kilomètres de large construite par Israël qui traverse la bande de Gaza d’est en ouest et qui représente 15 % de l’enclave – est « l'endroit que nous visons plus que tout ».
En plus du corridor de Netzarim, au sud de la ville de Gaza, deux autres corridors coupent aujourd’hui l’enclave palestinienne d’Est en Ouest : celui de Philadelphie, frontalier avec l’Égypte, et celui de Kissoufim, entre Netzarim et l’Égypte. Selon plusieurs rapports cités par le New York Times, l'armée israélienne profiterait de ces corridors pour fortifier leurs alentours, ce qui pourrait ouvrir la voie à une installation pérenne des forces militaires.
« La vérité est que la solution la plus morale, pas forcément la plus correcte, c’est de leur dire : "Nous vous donnons l’opportunité de partir d’ici, d’aller vers d’autres pays. C’est la terre d’Israël" », a lancé le ministre de la Sécurité Itamar Ben-Gvir en octobre dernier.
Un peu moins de 30 % de la bande de Gaza est actuellement occupée formellement par l'armée israélienne. Les bases militaires et les routes sont effectives. « Deux variables vont être fondamentales d'ici à l'été 2025, appuie Thomas Vescovi. Quelle politique va mener la Maison Blanche par rapport à cette question ? Le laisser-faire total à Benyamin Netanyahu ou l'obtention d'un accord qui soit acceptable a minima par toutes les parties. Mais la deuxième variable importante, c'est que précisément la politique américaine va être liée à la volonté de la signature d'accord entre des pays arabes et Israël, et notamment l'Arabie saoudite. »
Or, pour le moment, l'Arabie saoudite est très claire et très ferme : pas de colonies dans la bande de Gaza. Et surtout, Riyad exige le retrait de l'armée israélienne de Gaza. « Benyamin Netanyahu sait que là, tout est en place pour coloniser. Il n'y a plus que le feu vert pour débuter une forme de colonisation. Mais il sait que pour l'instant, c'est impossible, les rapports de force dans la région ne le permettent pas. »
« Tout faire pour qu'il ne puisse pas exister un État de Palestine »
Le 19 décembre dernier, le quotidien israélien d'opposition Haaretz s’interrogeait : « Israël est-il vraiment en train de construire un empire au Moyen-Orient ? » Et le quotidien israélien d’affirmer qu’« il semble toujours choquant qu'Israël puisse conquérir de nouveaux territoires souverains d’autres pays pour la première fois depuis l’invasion du Liban, il y a 42 ans. Mais il n’y a pas de meilleur de moyen de rendre les projets d’Israël sur Gaza moins choquants. »
La stratégie du Premier ministre israélien vise à considérer que la région ne peut être en paix que si un pays domine les autres. Mais la domination ne marche qu’à court terme et cela semble être la grande leçon du 7-Octobre. L'Histoire a montré à maintes reprises que la domination fonctionnait par cycle, et que le seul moyen d’en sortir par le haut, ce n'était pas en occupant, en expulsant, mais par la signature d'accords, par la diplomatie et le dialogue. Ce que le gouvernement israélien actuel ne semble pas disposé à faire.
« Le 7-Octobre, il faut l'appréhender comme un moment qui ferme une séquence qui à mon avis durait depuis à peu près vingt ans où il y a eu une espèce de disparition de la question palestinienne et où chaque acteur, que ce soit au Liban ou en Syrie, était mobilisé sur d'autres enjeux et questions, analyse Thomas Vescovi. Le 7-Octobre, ce n'est pas, selon moi, une opportunité de conquête territoriale par Israël. C'est plutôt une opportunité pour Benyamin Netanyahu d'aller au bout de sa volonté de solder complètement la question palestinienne. Benyamin Netanyahu, lui, sait que, là, il y a un enjeu : tout faire pour qu'il ne puisse pas exister un État de Palestine. »
Depuis sa création, Israël est dépourvu d’une Constitution écrite établissant ses frontières formelles. Aujourd’hui, avec au pouvoir une extrême droite qui ignore le droit international, les inquiétudes sont donc bien réelles.