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Abdourahmane Diouf : un miroir contradictoire (Par Yankhoba Seydi)

Lundi 7 Août 2023

Réagissant à la relance du journaliste sur le fameux “il m’a déçu” d’Idrissa Seck à son sujet lors de l’entretien spécial avec le groupe de presse E-media, Abdourahmane Diouf trouve que c’est plutôt Idrissa Seck qui a déçu. Il pousse le bouchon plus loin en parlant de trahison et cela est suffisant pour renseigner sur sa vraie volonté : faire mal quitte à mélanger délibérément deux choses, deux concepts distincts pour mieux attaquer. Une astuce de communication qui relève plus de l’artifice que de la substance. Idy parle de déception, mais lui s’empresse de parler de trahison.


Pour le justifier, il prend les retrouvailles Wade-Idy et Macky-Idy. Son argument principal était qu’à l’issue de la présidentielle de 2007, les sénégalais avaient clairement dit à Idy qu’après Wade c’était lui en le plaçant 2e, mais que Idrissa Seck avait vendangé tout cela en retournant chez Wade. Il renchérit en prenant l’exemple de la présidentielle de 2019 où là aussi, pour lui, en le plaçant 2e derrière Macky Sall, les sénégalais avaient clairement dit à Idy qu’après Macky c’était lui, mis que Idy a trahi ses électeurs pour des compromissions.


À ce niveau, Abdourahmane Diouf n’est ni juste ni honnête, car pour qu’il puisse parler de compromission, il faut qu’il ait été présent lorsque les deux hommes s’étaient mis d’accord pour travailler ensemble pour le Sénégal. Or, n’étant pas dans le secret des dieux, il ne peut donc prouver ni la trahison ni la compromission.


Certains de nos militants ont rué dans les brancards en le traitant d’ingrat, mais je trouve que Abdourahmane Diouf n’avait pas tort en soutenant que les sénégalais ont clairement dit à Idy qu’après Macky ce serait lui. Il a raison dans la mesure où aujourd’hui que Macky s’achemine vers la fin de son mandat en 2024, le seul candidat qui coche l’essentiel des cases qu’un électeur averti, sérieux et soucieux de l’avenir du Sénégal sous toutes ses coutures serait tenté de chercher pour la prochaine présidentielle, c’est sans aucun doute Idrissa Seck. C’est peut-être ce que celui qui se nomme désormais « Ass » a bien compris pour subitement multiplier des sorties contre celui qui nous l’a présenté en 2012.
Maintenant si ce n’est pas le sens dans lequel il entend sa déclaration, comme un ami voudrait bien me le faire croire, c’est-à-dire qu’en fait, Abdourahmane Diouf justifie ladite « déception » d’Idrissa Seck par le fait qu’il est allé répondre à Macky en novembre 2020 et que c’est donc fini pour lui, si c’est vraiment cela le fond de sa pensée, il faudra bien qu’il nous dise comment il a fait pour entrer dans la tête des 7 millions d’électeurs inscrits qui lui ont dit qu’ils ont définitivement tourné la page Idrissa Seck et qu’en 2024 ils ne le choisiront pas. Si c’est cela le fond de sa pensée, alors Abdourahmane Diouf est plus que prétentieux.


Mais il n’est pas que prétentieux. Il est aussi contradictoire. Il est prétentieux parce qu’il n’a aucune mesure sérieuse du rejet d’Idrissa Seck par les sénégalais. Il ne peut pas brandir une étude sérieuse qui le dit. Par conséquent, il ne fait que supputer et conjecturer. À chaque élection, ce sont ces mêmes disques rayés qu’on nous sort au sujet de Idy. Il a même lié les résultats obtenus par Idy en 2012 au fait que ce dernier avait antérieurement rejoint Wade, donc compromission détectée par les radars ultrasophistiqués du bonhomme Diouf. Quel ahurissant culot ! Présenter les choses ainsi, c’est dire tout sauf ce qui est. Les choses ne s’étaient pas passées ainsi. Cette façon simpliste de les présenter en noir et blanc traduit une volonté de nuire par ce qui n’est pas. Sinon comment alors soutenir après jusqu’à porter sa parole celui qui s’est compromis sous Wade ? Voyez-vous l’insupportable contradiction, M. Diouf ?  Vous rendez-vous compte qu’en affirmant, sans étude sérieuse, que les sénégalais ont tourné le dos à Idrissa Seck vous insultez l’intelligence des gens honnêtes en prétendant lire dans une boule de cristal pour une matière pour laquelle on n’a pas mobilisé la science ou tout autre moyen crédible, mais on prend des aises à distribuer des notes déjà mortes dans la bouche de celui qui les débite.


Ce n’est pas cela la politique dont nous rêvons de voir se faire et s’ancrer au Sénégal surtout venant de ceux qui disent avec beaucoup de véhémence vouloir changer les pratiques.  C’est même gravissime pour un acteur politique, car cela n’est ni plus ni moins du charlatanisme politique or, dans une communauté humaine, la politique c’est la chose la plus sérieuse au monde. Cette façon de faire de la politique doit être révolue à jamais sinon les mauvaises parthiques politiques du reste tres tenaces, résisteront en étant le ver dans le fruit, d’où l’impératif catégorique d’une véritable catharsis pour l’extirper et cela pourrait être difficile à un certain niveau d’ancrage. Alors, assainissons nos pratiques politiques sans verser dans des conclusions faciles et hâtives ne reposant sur absolument rien de consistant, mise à part une ribambelle de sophismes servis à volonté à un public dont on use et abuse de la naïveté par une langue mielleuse voire chialeuse. Le sophisme quand il devient outrancier ressemble à un produit bas de gamme. Alors, plutôt Socrate que Protagoras d’Abdère ou Gorgias de Leontium ! Voilà le généreux conseil !


Le bonhomme est aussi et surtout contradictoire et cette contradiction se trouve dans sa lettre de démission de Rèew mi, et notamment la partie ultime de cette missive dans laquelle il disait ce qui suit : Une certitude : ma foi au Sénégal et l’attachement à ma patrie. {….} Vous le savez déjà et je vous le réitère, à chaque fois qu’il me sera donné l’opportunité d’agir dans un cadre public, je garderai mon patriotisme chevillé au corps, et je mettrai les intérêts du Sénégal au-dessus de tout.


On s’en souvient bien, l’ambiguïté de cette partie de la lettre de démission quant à la véritable intention d’Abdourahmane, était telle que le journaliste Adama Gaye avait réagi pour l’inviter à ne pas rejoindre Macky Sall, puisque ces propos pouvaient le laisser croire, surtout dans le contexte où ils étaient produits. Il dit mettre les intérêts du Sénégal au-dessus de tout. C’est une excellente chose et nous applaudissons des deux mains. C’est pourtant cette conviction qu’avait Idy quand il avait choisi de répondre à l’appel du pays lorsque la pandémie de COVID-19 s’était abattue sur le Sénégal en charriant partout son lot d’incertitudes. Idy qui a toujours dit que les intérêts du Sénégal étaient au-dessus des siens (c’est exactement ce qu’Abdourahmane Diouf a martelé dans la fin de son épitre), est resté fidèle à cette noble doctrine. Il l’a matérialisée en janvier 2007 puis en novembre 2020. En son temps, nous qui tenions à son élection avions du mal à accepter qu’il sacrifie sa carrière politique, d’où notre désaccord. Pourtant dans les deux cas, on ne peut pas lui refuser que les actes qu’il a posés, il les a posés dans l’intérêt supérieur du Sénégal.

Cela a d’ailleurs généré beaucoup d’incompréhensions qui persistent jusqu’à présent. Pourquoi doit-il être difficile pour Abdourahmane Diouf de comprendre et d’accepter qu’Idrissa Seck mette le Sénégal au-dessus de sa propre carrière politique sachant que c’est exactement ce que lui-même a martelé dans sa lettre de démission ? Peut-être qu’il n’y croit pas comme beaucoup d’hommes politiques savent faire de belles déclarations, mais quand arrive l’heure de l’acte à poser, c’est la pirouette, cousine germaine de la girouette qu’ils servent et qu’il faut déposer dans une brouette et la jeter à la poubelle politique.


Abdourahmane Diouf peut critiquer Idrissa Seck, mais la posture qu’il prétend incarner lui interdit de sortir des débats d’idées, car il est subitement devenu, comme par enchantement, très en verve quand il s’agit de passer une couche de peinture noire à Idrissa Seck, une verve parfois sans verbe digne. Le débat d’idées, c’est cela qui nous intéresse. Nous aimerions bien discuter de certaines idées qu’il a balancées ici et là comme par exemple sa fameuse démocratie de concordance et non de concurrence qui est une véritable gageure, ou encore son fameux mandat unique de 7 ans, une véritable grossièreté sans oublier sa prétentieuse loi sur le patriotisme économique qui est un pur leurre sans lueur et j’en passe. Ces idées trompeuses peuvent facilement être démontées car elles ne sont en réalité pas de vraies idées mais plutôt de purs sophismes d’où l’emballement de certains compatriotes, mais c’est cela le propre du sophisme. Il peut proposer de vraies idées s’il pense en avoir et non profiter des micros pour attaquer Idrissa Seck même si les attaques contre ce dernier ont toujours suscité des vocations depuis le régime de Wade et ce pour un hypothétique positionnement. C’est peut-être pourquoi Abdourahmane semble apparaitre dans tous les miroirs, mais ce sont des miroirs contradictoires qu’il faut ranger dans les tiroirs.

Quand l’éloquence se confond avec la grandiloquence, surtout en politique, il nous faut le plein d’essence pour revenir à la décence. Les apparences, semble-t-il, sont trompeuses. Alors méfiance !

Yankhoba Seydi, RÈEW MI
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