Au moment où tout le monde attend de la Cour des comptes qu’elle publie le rapport d’audit attendu depuis le 24 décembre dernier, on apprend la nomination d’un «expert indépendant chargé de l’audit de la dette». Ce qui n’aide pas à éclairer la lanterne des Sénégalais.
Le journal Les Echos d’hier, repris par les réseaux sociaux, a annoncé la commission par le gouvernement, d’un Expert indépendant «pour procéder à un nouvel audit de la dette». Le journal dirigé par Cheikh Oumar Ndaw indique que cette nomination aurait été faite «compte non tenu de l’audit de la Cour des comptes, conformément au Code de transparence dans la gestion des Finances publiques…». L’auteur de l’entrefilet se posait la question de savoir si, par cette nomination, le gouvernement est-il sûr des chiffres qu’il avait avancés ou se dit-il que l’ampleur serait plus grande ?
Cette information vient encore ajouter à la confusion, au lieu d’éclaircir les choses. On sait que le rapport de la Cour des comptes sur les Finances publiques devait être rendu public le 24 avril dernier, ainsi que l’avait annoncé le journal Le Quotidien. Notre article avait annoncé que les magistrats de la Cour avaient renvoyé leur publication pour le 31 décembre, juste après la Déclaration de politique générale (Dpg) du Premier ministre Ousmane Sonko devant les députés. Les informations recueillies par le journal faisaient état de «demandes pressantes» de la part du gouvernement, pour que le rapport ne puisse voir le jour avant la Dpg. Ce qui laissait subodorer que le gouvernement était déjà informé du contenu du rapport.
Une question de jours
Cette déclaration du journal nous avait valu une sortie de la Cour des comptes visant à nous démentir. La Cour écrivait notamment que «ledit Rapport est en cours d’élaboration. Son adoption sera soumise aux règles en vigueur à la Cour ; la Cour n’a reçu aucune demande du gouvernement pour en «retarder» la publication ; pour rappel, la Cour exécute ses travaux et rend un rapport d’audit sur la base du rapport sur la situation des Finances publiques du gouvernement. Ces travaux sont en cours d’instruction dans le cadre des procédures aménagées par la loi organique n°2012-23 du 27 décembre 2012 sur la Cour des comptes et le décret n°2013-1349 du 13 novembre 2013 portant modalités d’application de la loi organique précitée».
Le Premier président de la Cour des comptes, interpellé sur le fait que son institution n’aurait pas respecté les délais des 3 mois, imposés par le Code de transparence dans la gestion des Finances publiques, a affirmé que la Cour est régie par une loi organique, contrairement au Code de transparence, qui repose sur une loi ordinaire. «Or, une loi ordinaire ne peut s’imposer sur une loi organique», va-t-il indiquer, avant d’ajouter que la Cour travaille à son rythme, a transmis à toutes les parties concernées les éléments du rapport qui les concernent et attend leurs réponses. «Le procureur de la République avait 1 mois pour nous transmettre ses observations. Il a eu l’amabilité de nous faire parvenir ses observations en une semaine. Nous attendons les réactions des services du ministère des Finances», a-t-il eu la bonté de nous faire comprendre.
En affirmant que la publication du rapport ne serait «qu’une question de jours». En dépit de toutes ces déclarations, il est loisible de constater que la Cour des comptes fait peu de cas d’un texte de loi, le Code de transparence dans les Finances publiques. Or, ce texte pose des contraintes inestimables dans le travail de toutes les personnes en charge du respect de la bonne gestion des finances de l’Etat.
Un expert indépendant et des questions
Comme dit plus haut, si le gouvernement a décidé de nommer un expert indépendant avant la publication officielle du rapport de la Cour des comptes, cela laisserait-il subodorer que les autorités de l’Etat seraient déjà informées du contenu dudit rapport ? Et que ledit contenu ne les satisferait pas ? Autrement, il n’y aurait pas eu besoin de recourir à une expertise extérieure.
Ce faisant, elles afficheraient ainsi publiquement leur méfiance des spécialistes qui travaillent à la Cour des comptes, et même de certaines branches du ministère des Finances et du budget. Si en effet, le travail de la Cour devrait être repassé au crible d’un regard extérieur, à quoi nous servent alors les magistrats et spécialistes qui y travaillent ? Et pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas sollicité ledit expert avant de se tourner vers la Cour ?
D’autre part, sur quels critères l’expert indépendant a-t-il été recruté, quelle est l’étendue de sa mission, son cahier des charges, la durée de ses investigations et son niveau d’habilitation ? A qui devra-t-il rendre compte en définitive ? Autant le travail et les conclusions de la Cour des comptes pourraient être largement acceptés, autant il sera difficile, dans le contexte actuel, que les conclusions d’un expert recruté dans des conditions peu transparentes puissent créer un consensus. Surtout si elles contredisaient les résultats de la Cour des comptes.
Le Fmi attend
Une autre conséquence des atermoiements de la Cour des comptes, va porter sur la renégociation de la coopération avec le Fonds monétaire international. Le Conseil d’administration du Fmi a prévu d’étudier le rapport d’audit de la Cour des comptes lors de sa réunion du mois de mars. A la suite de cette réunion, une date devait être choisie, à la lumière du contenu du rapport, pour la reprise de la coopération avec le Sénégal. Un retard sur ce point, qui empêcherait au Fonds d’étudier ce rapport à temps, affectera nécessairement la reprise de la coopération, et d’éventuels décaissements.
Par M. GUEYE
mgueye@lequotidien.sn
Le journal Les Echos d’hier, repris par les réseaux sociaux, a annoncé la commission par le gouvernement, d’un Expert indépendant «pour procéder à un nouvel audit de la dette». Le journal dirigé par Cheikh Oumar Ndaw indique que cette nomination aurait été faite «compte non tenu de l’audit de la Cour des comptes, conformément au Code de transparence dans la gestion des Finances publiques…». L’auteur de l’entrefilet se posait la question de savoir si, par cette nomination, le gouvernement est-il sûr des chiffres qu’il avait avancés ou se dit-il que l’ampleur serait plus grande ?
Cette information vient encore ajouter à la confusion, au lieu d’éclaircir les choses. On sait que le rapport de la Cour des comptes sur les Finances publiques devait être rendu public le 24 avril dernier, ainsi que l’avait annoncé le journal Le Quotidien. Notre article avait annoncé que les magistrats de la Cour avaient renvoyé leur publication pour le 31 décembre, juste après la Déclaration de politique générale (Dpg) du Premier ministre Ousmane Sonko devant les députés. Les informations recueillies par le journal faisaient état de «demandes pressantes» de la part du gouvernement, pour que le rapport ne puisse voir le jour avant la Dpg. Ce qui laissait subodorer que le gouvernement était déjà informé du contenu du rapport.
Une question de jours
Cette déclaration du journal nous avait valu une sortie de la Cour des comptes visant à nous démentir. La Cour écrivait notamment que «ledit Rapport est en cours d’élaboration. Son adoption sera soumise aux règles en vigueur à la Cour ; la Cour n’a reçu aucune demande du gouvernement pour en «retarder» la publication ; pour rappel, la Cour exécute ses travaux et rend un rapport d’audit sur la base du rapport sur la situation des Finances publiques du gouvernement. Ces travaux sont en cours d’instruction dans le cadre des procédures aménagées par la loi organique n°2012-23 du 27 décembre 2012 sur la Cour des comptes et le décret n°2013-1349 du 13 novembre 2013 portant modalités d’application de la loi organique précitée».
Le Premier président de la Cour des comptes, interpellé sur le fait que son institution n’aurait pas respecté les délais des 3 mois, imposés par le Code de transparence dans la gestion des Finances publiques, a affirmé que la Cour est régie par une loi organique, contrairement au Code de transparence, qui repose sur une loi ordinaire. «Or, une loi ordinaire ne peut s’imposer sur une loi organique», va-t-il indiquer, avant d’ajouter que la Cour travaille à son rythme, a transmis à toutes les parties concernées les éléments du rapport qui les concernent et attend leurs réponses. «Le procureur de la République avait 1 mois pour nous transmettre ses observations. Il a eu l’amabilité de nous faire parvenir ses observations en une semaine. Nous attendons les réactions des services du ministère des Finances», a-t-il eu la bonté de nous faire comprendre.
En affirmant que la publication du rapport ne serait «qu’une question de jours». En dépit de toutes ces déclarations, il est loisible de constater que la Cour des comptes fait peu de cas d’un texte de loi, le Code de transparence dans les Finances publiques. Or, ce texte pose des contraintes inestimables dans le travail de toutes les personnes en charge du respect de la bonne gestion des finances de l’Etat.
Un expert indépendant et des questions
Comme dit plus haut, si le gouvernement a décidé de nommer un expert indépendant avant la publication officielle du rapport de la Cour des comptes, cela laisserait-il subodorer que les autorités de l’Etat seraient déjà informées du contenu dudit rapport ? Et que ledit contenu ne les satisferait pas ? Autrement, il n’y aurait pas eu besoin de recourir à une expertise extérieure.
Ce faisant, elles afficheraient ainsi publiquement leur méfiance des spécialistes qui travaillent à la Cour des comptes, et même de certaines branches du ministère des Finances et du budget. Si en effet, le travail de la Cour devrait être repassé au crible d’un regard extérieur, à quoi nous servent alors les magistrats et spécialistes qui y travaillent ? Et pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas sollicité ledit expert avant de se tourner vers la Cour ?
D’autre part, sur quels critères l’expert indépendant a-t-il été recruté, quelle est l’étendue de sa mission, son cahier des charges, la durée de ses investigations et son niveau d’habilitation ? A qui devra-t-il rendre compte en définitive ? Autant le travail et les conclusions de la Cour des comptes pourraient être largement acceptés, autant il sera difficile, dans le contexte actuel, que les conclusions d’un expert recruté dans des conditions peu transparentes puissent créer un consensus. Surtout si elles contredisaient les résultats de la Cour des comptes.
Le Fmi attend
Une autre conséquence des atermoiements de la Cour des comptes, va porter sur la renégociation de la coopération avec le Fonds monétaire international. Le Conseil d’administration du Fmi a prévu d’étudier le rapport d’audit de la Cour des comptes lors de sa réunion du mois de mars. A la suite de cette réunion, une date devait être choisie, à la lumière du contenu du rapport, pour la reprise de la coopération avec le Sénégal. Un retard sur ce point, qui empêcherait au Fonds d’étudier ce rapport à temps, affectera nécessairement la reprise de la coopération, et d’éventuels décaissements.
Par M. GUEYE
mgueye@lequotidien.sn