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Prodac, la DIC «fouille» le carnage financier : 15 milliards virés dans un compte ouvert en Israël

Samedi 12 Octobre 2024

La Brigade des affaires générales (BAG) de la Division des investigations criminelles (DIC) a entamé ses auditions dans l’affaire Prodac. Ce samedi, *Libération* a mis en lumière les principales conclusions du rapport de l’Inspection générale des finances (IGF), qui a déclenché une plainte avec constitution de partie civile de l’Agent judiciaire de l’État.

Le fameux rapport de l’IGF sur la gestion du Programme des domaines agricoles communautaires (Prodac) avait été transmis à la DIC suite à la plainte déposée par l’Agent judiciaire de l’État, qui s’était constitué partie civile.  D’après nos confrères, l’enquête a été confiée à la BAG, une unité de la DIC installée au Palais de Justice. La BAG a d’ailleurs débuté les auditions, notamment celle de Khadim Ba, directeur général de Locafrique, qui a été extrait de prison et entendu hier. Devant les enquêteurs, le bailleur du projet a déclaré qu'il avait lui-même sonné l’alarme après avoir découvert des factures suspectes. Ce qui est certain, c’est que l’IGF a mis en lumière un important scandale financier. Les enquêteurs ont ainsi recommandé l’ouverture d’au moins deux informations judiciaires.

Selon le rapport des vérificateurs, le coût total du projet s’élève à 26,6 milliards de FCFA, un montant jugé excessif au regard de l’incapacité à atteindre l’objectif stratégique de création massive d’emplois, ce qui a soulevé des soupçons de surfacturation. En comparant les prix proposés par Green 2000 à ceux du marché, Locafrique avait relevé de nombreuses différences, confirmées sur le terrain. Malgré cela, avec la complicité des anciens responsables du Prodac, Green 2000 a reçu 15 milliards de FCFA, virés sur un compte à la Hapolim Bank en Israël, échappant ainsi au contrôle de l’État. Pour limiter les dégâts, l’IGF avait recommandé la suspension immédiate des paiements.

Un total de 15 milliards de FCFA avait été transféré en toute légalité sur un compte en Israël.

L’IGF avait aussi signalé : « Compte tenu du coût global du projet, il est impératif, dans l’intérêt de l’État, d’apporter les correctifs nécessaires. » À noter que si le projet Green 2000 devait se poursuivre, son coût pour l’État du Sénégal atteindrait 36,5 milliards de FCFA, selon le calendrier des remboursements.

Les défaillances dans l’exécution du projet Green 2000 s’expliquent par l'absence de contrôles adéquats de la part du Prodac, qui n’a pas mis en place un dispositif de suivi efficace pour contraindre Green 2000 à remplir ses obligations contractuelles. Non seulement ce contrôle n’a pas été exercé, mais même après avoir été informé des nombreuses violations, le Prodac n’a pris aucune mesure corrective. Les lettres d’alerte de Locafrique sont restées sans suite, et le Prodac a continué de valider les demandes de paiement sans procéder aux vérifications requises.

L’IGF a également relevé que 12,6 milliards de FCFA avaient été déboursés au profit de Green 2000 sans aucune vérification préalable. Ce montant ne prend pas en compte les factures impayées, évaluées à tort à 5,3 milliards de FCFA. Ainsi, les sommes déjà versées et les factures en attente totalisent 17,2 milliards de FCFA. Or, les travaux réalisés sur le terrain étaient bien en deçà des attentes. Par exemple, pour le site d’Itato, Green 2000 a présenté deux factures totalisant 3,4 milliards de FCFA, dont 1,2 milliard versé en avance, alors que les études ne sont même pas finalisées et qu'aucun équipement n’a été livré.

Au DAC de Keur Samba Kane, des équipements ont été livrés alors que les infrastructures de stockage ne sont pas encore prêtes. Interrogé à ce sujet, Daniel Pinhassi de Green 2000 a invoqué un retard de paiement. Ce manque de justification nécessite une attention particulière pour éviter que l’État ne se retrouve dans une impasse à cause des défaillances de son cocontractant.

Un contrat saccagé.

Malgré ces anomalies, le contrat technique entre Green 2000 et le Prodac stipulait, dans son alinéa 2, que la société devait soumettre, au moins 14 jours avant la première demande de paiement, une liste des valeurs des ouvrages à réaliser pour faciliter l’évaluation des paiements. Cette disposition n’a jamais été respectée, et le Prodac n’a pris aucune mesure pour contraindre Green 2000 à s’y conformer. De plus, les demandes de paiement ne contenaient aucune déclaration des produits livrés, comme cela était pourtant exigé.

L’IGF a dénoncé l’absence de tout contrôle préalable par le Prodac, qui se contentait de transmettre les demandes de paiement au financier sans filtrer les informations ni exiger des justificatifs valables. Cette négligence a conduit au versement de 5,9 milliards de FCFA à Green 2000 pour les premières tranches, ainsi que de 6,8 milliards supplémentaires, sans compter les 5,3 milliards de factures en attente.

Aucune transparence dans le contrôle des paiements.

Le bureau de contrôle, chargé de superviser le projet, a révélé qu’à ce jour, aucun document ou facture n’a été transmis pour vérification. Ce manque de transparence complique l’évaluation des travaux effectués et des sommes déboursées, aggravant ainsi la gestion du projet.

En conclusion, l’IGF a également souligné que Green 2000 avait fourni des justificatifs de paiement rédigés en hébreu, alors que le contrat était établi en français.

Libération
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