Figure de l’opposition à Alpha Condé, renversé le 5 septembre dernier, le chef de l’UFDG a apporté son soutien à la junte militaire et envisage déjà d’être candidat à la présidentielle qui devrait être organisée à la fin de la transition. Il s’est confié à « Jeune Afrique ».
Depuis plus de dix ans, Cellou Dalein Diallo et Alpha Condé étaient devenus les meilleurs ennemis de Guinée. Trois présidentielles et moult scrutins législatifs ou locaux, dont « Cellou » a toujours contesté les résultats officiels, les ont opposés, parfois dans la violence et le sang. Même s’il leur est arrivé un court moment, en 2008-2009, de collaborer face au régime ubuesque de Moussa Dadis Camara, ces deux-là se sont toujours détestés.
Jeune Afrique : Comment avez-vous réagi au putsch qui, le 5 septembre, a provoqué la chute d’Alpha Condé ?
Cellou Dalein Diallo : Avec une grande satisfaction, a fortiori quand la junte a annoncé qu’elle allait mettre en place rapidement des élections libres et transparentes. Il faut bien comprendre qu’à l’époque, tous les recours contre la dictature d’Alpha Condé étaient épuisés. Nous avions alerté la communauté internationale, la Cedeao, l’Union africaine. Et nous avions organisé des marches pacifiques qui ont été violemment réprimées, ce qui n’avait d’ailleurs pas été suffisamment condamné. Il n’y avait pas d’autre issue.
Après avoir combattu le changement constitutionnel de 2020, vous avez apporté votre soutien aux putschistes du Comité national de rassemblement pour le développement (CNRD). N’est-ce pas contradictoire avec l’idéal démocratique que vous dites défendre ?
Non, car nous étions déjà dans un régime d’exception avec Alpha Condé. Mettre fin à un régime illégal et illégitime n’est en rien anti-démocratique. C’est au contraire un premier pas vers un retour à l’ordre constitutionnel qu’il convient de saluer.
La Cedeao exige une transition de maximum six mois, votre alliance politique [l’Alliance nationale pour l’alternance démocratique, Anad] souhaite qu’elle dure pour 15 mois et le CNRD, lui, n’a pris aucun engagement. Faites-vous confiance à la junte pour organiser des élections dans un délai raisonnable ?
Nous n’avons aucune raison, pour l’instant, de douter de sa bonne foi. Mais, évidemment, nous sommes et resterons vigilants.
Le gouvernement qui a été nommé ne comprend aucune figure politique. Quant au Conseil national de transition (CNT), il n’inclura que 15 sièges destinés aux membres de formations existantes sur 81. Estimez-vous ce choix normal ?
Ce que je déplore, surtout, c’est l’absence de dialogue. Depuis que le colonel Doumbouya nous a reçus pour nous demander de formuler des propositions, ce que nous avons fait, c’est silence radio. Que le CNRD décide de mettre les formations politiques à l’écart du gouvernement pour que celui soit impartial, c’est défendable. Mais nous n’avons jamais été consultés et découvrons les décisions officielles comme tout le monde. Idem pour la charte de transition d’ailleurs. Quant au CNT, 15 sièges sur 81, je ne vois pas comment les répartir dans un pays qui compte plus de 200 partis…
Que pensez-vous de la nomination de Mohamed Béavogui au poste de Premier ministre ?
Il a la réputation d’un fonctionnaire international au parcours plutôt brillant. On espère qu’il mettra son expérience au service de la Guinée, de la démocratie et de l’instauration d’un État de droit.
La communauté internationale, et notamment la France, a été particulièrement critique vis-à-vis d’Alpha Condé au moment de sa réélection pour un troisième mandat. Elle semble désormais en retrait depuis le coup d’État. Qu’attendez-vous d’elle ?
On ne peut pas dire que la France a été très sévère avec Alpha Condé. Certes, elle n’a pas adressé de félicitations et n’a fait que prendre acte de son élection. Mais qu’est-ce qui a été fait à l’égard des nombreuses violations des droits humains ? Je vous rappelle qu’il y a eu près de 150 morts, abattus à bout portant, dont 37 ont été enterrés nuitamment, dans la forêt, à Nzérékoré. On n’a pas suffisamment entendu la communauté internationale par rapport à ces crimes.
Aujourd’hui, nous attendons qu’elle accompagne la transition, après les condamnations de principe émises lors du coup d’État. Le retour à l’ordre constitutionnel doit être encadré et favorisé, notamment grâce à des financements, de l’assistance technique pour l’organisation des élections ou le CNT, qui doit élaborer des lois relatives au code électoral, à la commission électorale, etc.
Quelles doivent-être selon vous les priorités de la transition ?
La principale mission, c’est la mise en place d’institutions légitimes, donc le retour à l’ordre constitutionnel. À côté de cela, il faut bien évidemment gérer les affaires courantes, lutter contre la délinquance financière et la corruption, faire en sorte que les victimes des violences d’État aient droit à la justice, qui doit être indépendante, et à réparations.
Avec plus de 200 militants et cadres incarcérés et des dizaines de morts lors des violences postélectorales de 2020, votre parti, l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), est-il aujourd’hui en ordre de marche ?
Mieux, il sort renforcé de cette dramatique épreuve et nos militants sont galvanisés. De même, tous les Guinéens ont pu constater le courage et l’abnégation de nos partisans, qui ont versé leur sang pour combattre cette dictature.
Les autorités penchent pour l’organisation des locales avant la présidentielle. Y êtes-vous favorable ou préférez-vous le scénario inverse, comme en 2010 ?
Oui, j’y suis favorable car je préfère ce schéma. Mais on pourrait aussi, pour des raisons économiques, coupler la présidentielle et les législatives, après le référendum destiné à adopter la Constitution et les élections locales. Cela permettrait de gagner du temps et de l’argent.
Depuis plus de dix ans, Cellou Dalein Diallo et Alpha Condé étaient devenus les meilleurs ennemis de Guinée. Trois présidentielles et moult scrutins législatifs ou locaux, dont « Cellou » a toujours contesté les résultats officiels, les ont opposés, parfois dans la violence et le sang. Même s’il leur est arrivé un court moment, en 2008-2009, de collaborer face au régime ubuesque de Moussa Dadis Camara, ces deux-là se sont toujours détestés.
Jeune Afrique : Comment avez-vous réagi au putsch qui, le 5 septembre, a provoqué la chute d’Alpha Condé ?
Cellou Dalein Diallo : Avec une grande satisfaction, a fortiori quand la junte a annoncé qu’elle allait mettre en place rapidement des élections libres et transparentes. Il faut bien comprendre qu’à l’époque, tous les recours contre la dictature d’Alpha Condé étaient épuisés. Nous avions alerté la communauté internationale, la Cedeao, l’Union africaine. Et nous avions organisé des marches pacifiques qui ont été violemment réprimées, ce qui n’avait d’ailleurs pas été suffisamment condamné. Il n’y avait pas d’autre issue.
Après avoir combattu le changement constitutionnel de 2020, vous avez apporté votre soutien aux putschistes du Comité national de rassemblement pour le développement (CNRD). N’est-ce pas contradictoire avec l’idéal démocratique que vous dites défendre ?
Non, car nous étions déjà dans un régime d’exception avec Alpha Condé. Mettre fin à un régime illégal et illégitime n’est en rien anti-démocratique. C’est au contraire un premier pas vers un retour à l’ordre constitutionnel qu’il convient de saluer.
La Cedeao exige une transition de maximum six mois, votre alliance politique [l’Alliance nationale pour l’alternance démocratique, Anad] souhaite qu’elle dure pour 15 mois et le CNRD, lui, n’a pris aucun engagement. Faites-vous confiance à la junte pour organiser des élections dans un délai raisonnable ?
Nous n’avons aucune raison, pour l’instant, de douter de sa bonne foi. Mais, évidemment, nous sommes et resterons vigilants.
Le gouvernement qui a été nommé ne comprend aucune figure politique. Quant au Conseil national de transition (CNT), il n’inclura que 15 sièges destinés aux membres de formations existantes sur 81. Estimez-vous ce choix normal ?
Ce que je déplore, surtout, c’est l’absence de dialogue. Depuis que le colonel Doumbouya nous a reçus pour nous demander de formuler des propositions, ce que nous avons fait, c’est silence radio. Que le CNRD décide de mettre les formations politiques à l’écart du gouvernement pour que celui soit impartial, c’est défendable. Mais nous n’avons jamais été consultés et découvrons les décisions officielles comme tout le monde. Idem pour la charte de transition d’ailleurs. Quant au CNT, 15 sièges sur 81, je ne vois pas comment les répartir dans un pays qui compte plus de 200 partis…
Que pensez-vous de la nomination de Mohamed Béavogui au poste de Premier ministre ?
Il a la réputation d’un fonctionnaire international au parcours plutôt brillant. On espère qu’il mettra son expérience au service de la Guinée, de la démocratie et de l’instauration d’un État de droit.
La communauté internationale, et notamment la France, a été particulièrement critique vis-à-vis d’Alpha Condé au moment de sa réélection pour un troisième mandat. Elle semble désormais en retrait depuis le coup d’État. Qu’attendez-vous d’elle ?
On ne peut pas dire que la France a été très sévère avec Alpha Condé. Certes, elle n’a pas adressé de félicitations et n’a fait que prendre acte de son élection. Mais qu’est-ce qui a été fait à l’égard des nombreuses violations des droits humains ? Je vous rappelle qu’il y a eu près de 150 morts, abattus à bout portant, dont 37 ont été enterrés nuitamment, dans la forêt, à Nzérékoré. On n’a pas suffisamment entendu la communauté internationale par rapport à ces crimes.
Aujourd’hui, nous attendons qu’elle accompagne la transition, après les condamnations de principe émises lors du coup d’État. Le retour à l’ordre constitutionnel doit être encadré et favorisé, notamment grâce à des financements, de l’assistance technique pour l’organisation des élections ou le CNT, qui doit élaborer des lois relatives au code électoral, à la commission électorale, etc.
Quelles doivent-être selon vous les priorités de la transition ?
La principale mission, c’est la mise en place d’institutions légitimes, donc le retour à l’ordre constitutionnel. À côté de cela, il faut bien évidemment gérer les affaires courantes, lutter contre la délinquance financière et la corruption, faire en sorte que les victimes des violences d’État aient droit à la justice, qui doit être indépendante, et à réparations.
Avec plus de 200 militants et cadres incarcérés et des dizaines de morts lors des violences postélectorales de 2020, votre parti, l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), est-il aujourd’hui en ordre de marche ?
Mieux, il sort renforcé de cette dramatique épreuve et nos militants sont galvanisés. De même, tous les Guinéens ont pu constater le courage et l’abnégation de nos partisans, qui ont versé leur sang pour combattre cette dictature.
Les autorités penchent pour l’organisation des locales avant la présidentielle. Y êtes-vous favorable ou préférez-vous le scénario inverse, comme en 2010 ?
Oui, j’y suis favorable car je préfère ce schéma. Mais on pourrait aussi, pour des raisons économiques, coupler la présidentielle et les législatives, après le référendum destiné à adopter la Constitution et les élections locales. Cela permettrait de gagner du temps et de l’argent.